Avec la famille Beta, Lancia foudroie les amateurs de la marque avec une vraie rupture en termes de style et de philosophie. Sauvés de la faillite par Fiat en 1969, les Italiens de Turin découvrent que la marque ne possède aucun projet neuf dans ses cartons. À la hâte, le groupe italien conçoit et présente en 1972 la Lancia Beta. Le drame arrive avec les clients interloqué par cette vulgaire BMC 1800 frappée de la lance avec sa forme tricorps. Pour sauver la berline qui prend la suite de la Fulvia, Lancia dévoile, avec l’aide de Zagato et de Pininfarina, un cabriolet. Pleines de charmes, la Lancia Beta Spider.
L’oeuvre d’art… enfin presque
En 1969, Fiat sauve Lancia de la casse. Au bord de la faillite, la marque bourgeoise tangue faute de ventes avec des modèles vieillissants. Italcementi ne parvient plus à éponger les dettes et fourgue le bébé à l’ami de toujours : Fiat. Ce dernier, se frotte les mains, quels innovations Lancia a dans les cartons ? Quels nouveaux modèles ? Malheureusement, l’italien va avoir des sueurs froides : la marque n’a aucun nouveau projet. Que dalle ! Walou ! Le groupe Fiat voulant surfer absolument sur le côté élitiste de la marque, ayant encore à l’époque de nombreux amateurs. Fiat réorganise et regarde ce que fait la concurrence pour offrir rapidement un nouveau modèle. En 1972, Lancia dévoile sous premier modèle de l’ère Fiat : la berline bicorps Beta.
Fiat laisse carte blanche aux ingénieurs de la marque pour concevoir sur une base Fiat une famille de berlines qui remplace la Fulvia. Pour marquer ce renouveau, la berline prend le nom de Beta – en lieu et place d’Alpha, trop proche de l’ennemie : Alfa Romeo. Les amateurs font la gueule, malgré son équipement moderne et raffiné, son inspiration trop proche du concept BMC 1800 gêne. Sans parler de l’arrivée des Citroën CX et Rover SD1, très proche.
Pourtant durant plus de 100 ans la marque italienne Lancia a conçu des chefs-d’œuvres de l’automobile, abordant un design flamboyant, des capacités routières soignées ou encore une certaine signature/philosophie vers l’innovation esthétique et technique. Dans l’ADN de la marque du Chivasso, la Lancia Beta Spider ne brille pas par son design flamboyant et encore moins par ses innovations. En fait, la pauvre Lancia ne mise pas sur une carrosserie à proprement parler de cabriolet, mais plutôt d’un targa.
La Lancia Beta, une gamme large
Au fil des millésimes, la gamme de la Beta s’enrichit de différentes silhouettes : berline bicorps, berline tricorps, cabriolet, coupé ou encore en break de chasse, la HPE. Toutefois, la famille Beta subit une certaine froideur de la part de la clientèle. La Spider se présente en mars 1974 lors du Salon de Genève, en Suisse, sous la forme d’un prototype. Le succès satisfaisant pousse Lancia à produire le cabriolet dès la fin 1974. Les lignes droites et le profil fastback de la berline ne séduisent pas, même les autres carrosseries plus classiques ne déplacent les foules. Finalement seule la sportive Montecarlo séduit avec ses prestations routières. Oublions rapidement au passage la Trevi, dont l’arrière tronçonné pour l’honneur ne le sauvera pas justement (tout comme son tableau de bord Gruyère).
Tradition Lancia oblige, si la berline est affublé d’un look discutable, les dérivés eux, sont sexy et alléchant. La Lancia Beta Spider n’échappe pas à la règle. Le coupé, conçu en interne, sert de base et se montre plutôt bien dessiné. Ce dernier profite d’une longueur d’empattement raccourci de 19cm par rapport à la berline. Gagnant en légèreté et en grâce. D’ailleurs, le coupé rencontre un honorable succès. De plus, pour éviter toute polémique, le dessin de la Beta Spider est confié à Pininfarina. La version cabriolet passe également entre les mains du maître du design en modifiant l’arrière de la voiture.
Cabriolet ou targa ?
Durant les années 1970, le choc pétrolier met à mal toute l’industrie automobile, les clients souhaitent du rationnel, voire, de l’économique. On craint la disparition de la formule cabriolet tout court. Du côté de l’offre des modèles cabriolets, comme aujourd’hui, l’offre se montre très peu séduisante. Déjà l’offre de cabriolet pure, sans arceau n’est pas très répandu. On trouve d’un côté les vieillissantes Peugeot 504 cabriolet et son V6 glouton, de l’autre, l’asthmatique Coccinelle sans oublier les britanniques et leur offre rincée. Au milieu, la synthèse se résume à l’élitiste Mercedes SL. En prenant en compte l’original Porsche 911 Targa.
Les normes américaines évoluent avec l’obligation d’un arceau de sécurité en cas de retournement. En face, se développent les offres avec arceau de sécurité bien voyant comme notre Lancia Beta Spider. En conclusion, lors du lancement de la Beta spider, Lancia est confiant, la voiture est moderne et apporte dans la morosité ambiante une voiture récréative. De plus, Pininfarina, réussis un coup de maître avec l’intégration de l’arceau sous une couche de carrosserie, gagnant en rigidité et en sécurité en cas de retournement. Assez rigide pour être vendue du coup aux États-Unis. La Beta Spider n’est pas à proprement parlé un cabriolet, mais d’une version coupée targa. À ce titre, Tickford l’a fait pour Jaguar avec la XJ-SC ou Baur avec la Série 2 de BMW.
Parlons du dessin de l’auto, Pininfarina conserve l’avant du coupé et y ajoute l’arceau de sécurité. En outre, toute la ceinture de caisse se singularise avec un décrochement à partir des ailes arrière. La malle de coffre est entièrement nouvelle et se détache du coupé. Pininfarina souhaite renouveler l’offre cabriolet de Lancia, puisque le dernier cabriolet de la marque, la Flavia cabriolet de Vignale a disparu en 1969.
La targa Italienne propose un système simple en l’occurrence, mais finalement aussi compliqué que la C3 Pluriel. Entre le pare-brise et l’arceau, un premier toit rigide en plastique se retire, en faisant un targa. À l’arrière des passagers, une capote en toile se replie sur le coffre pour ouvrir l’arrière du cabriolet. On obtient ainsi un joli cabriolet pour rouler les cheveux au vent tout en étant bien protégé (on se rassure comme on peut !). Les portières sur les premiers millésimes profitent de l’absence de montant autour du vitrage. Un élément qui sera vite remplacé par un contour.
La Lancia Beta Spider est fabriquée chez Zagato
Drôle de mélange que celui-ci, si Pininfarina signe l’extérieur (enfin surtout l’arrière), la production est confiée à Zagato. D’ailleurs Lancia va surjouer et survendre le rôle de Zagato au travers de la Beta Spider aux États-Unis. La voiture sera vendue là-bas, sous le nom de Lancia Beta Zagato. Sous le capot, pour le lancement, l’Italienne profite d’un petit quatre cylindres à doubles arbres à cames d’origine Fiat, conçu par Aurelio Lampredi. Ce petit 1.6l, déjà vu sur la berline et le coupé, offre 100ch. Le haut de gamme étant occupé par un 1.8l de 110h.
La Lancia Beta Spider n’a pas à rougir de la concurrence, avec un poids d’environ 1 100kg à vide, les performances du 1800 sont plus qu’honorables avec un joli 186km/h en vitesse max. Soit à peu près la même vitesse que la Peugeot 504 V6, plus cher et plus gourmande en carburant. L’autre point fort de notre Spider, c’est sa taille de guêpe, digne d’une star italienne, avec 4.00m de long qui lui permet d’être agile, compacte, facile à manœuvrer et à conduire.
Son prix a de quoi séduire les foules avec un tarif de 41 000F (soit 28 669€ de 2023), pour la version haut de gamme équipée du 1800. Un tarif qui la place du coup face à la Volkswagen-Porsche 914. Sur sa route, la Beta Spider croise celle de la vieillissante, mais valeureuse Alfa Romeo Spider 1600 de 1966, vrai cabriolet, dont le moteur continue de charmer.
Pour tenir la dragée face à l’Alfa, Lancia met sous le capot de la Spider un nouveau moteur plus puissant lors du millésime 76. Ce moteur n’est qu’autre que le mythique 2.0l qui équipe la Lancia Delta Integrale, développant la puissance pépère de 119ch. Le moteur conçu par Lampredi ne dispose pas encore de culasse multisoupapes ou de turbo. Le 2.0l remplace la version 1800, dont la puissance est proche. L’entrée de gamme reste constituée du petit 1600. Dans tous les cas, les deux moteurs sont suffisants pour rendre la Beta amusante à conduire et de profiter des qualités du châssis. La Spider 2000 demande en 76, 44 680F (31 242€ de 2023) un avantage pour une auto bien plus moderne que l’Alfa Romeo Spider Veloce (52 800F) et moitié prix par rapport à la Mercedes 280 SL à 92 000F.
Une carrière discrète
En Europe la carrière du cabriolet se montre relativement… plate. Nous dirons calme, car sa carrière est relativement discrète dans nos contrées. Alors que Fiat croit dure comme fer aux aventures de Lancia en Amérique, côté vente c’est la douche froide. La faute à un manque d’investissement de la part de Fiat outre-Atlantique. Dommage, car les essayeurs saluent une voiture agréable à conduire, vivace et maniable malgré une tendance au sous-virage.
La naissance de la Beta Spider est encore une histoire à l’italienne, comme plus récemment l’assemblage de la Fiat Barchetta : Zagato recevait des caisses de coupé Beta incomplètes, modifiant la carrosserie avant de les renvoyer chez Lancia pour l’application de l’anticorrosion (*rire*), avant de retourner chez Zagato pour le montage de l’habitacle et… la peinture. Enfin, les voitures retournaient à nouveau chez Lancia pour l’introduction du moteur. Un véritable running gag. Qui n’a pas simplifié la tache pour la livraison des véhicules.
Par la suite la Beta spider bénéficie de deux restylages : le premier en 1978 et le second en 1981. En octobre 1978, seul l’habitacle évolue avec un mobilier rafraichi. L’Italienne qui se vend difficilement disparait en 1983, sans avoir convaincu comme sa prédécesseur, la Fulvia. À une nuance près, la Fulvia n’a pas eu (directement) de version cabriolet. Bien que Zagato proposa la Fulvia Sport cabriolet, classé sans suite par la marque.
Il faudra attendre 2012 pour revoir un cabriolet chez Lancia avec la Fulvia cabriolet, une Chrysler 200… même pas remaquillée. La carrière européenne de la Beta Spider prit fin en 1982 et 1983 pour le marché nord-américain. En huit longues années, seuls 8 594 exemplaires trouveront preneur, c’est peu. Surtout comparé aux 448 552 exemplaires de toute la famille Beta, produite durant 12 ans. La Spider est à ce titre, la version la plus rare de la gamme avec la Montécarlo (7 595exemplaires), pire, 616 Beta spider ont été vendus en France.
L’Avis des Cylindres :
Outre son look atypique signé Pininfarina, la Lancia Beta Spider s’apprécie en 2.0l Lampredi. Elle offre le meilleur de l’Italie entre Pininfarina, Lancia et Zagato (sans oublier Fiat). Rarissime, elle vous permettra de vous démarquer des cabriolets Peugeot, Mercedes et autres Alfa. À vérifier si la belle vous intéresse : la rouille. Prendre de la mozzarella pour de l’anticorrosion ça ne marche pas : le traitement ne fait plus aucun effet… avec le temps. Attention à toute la carrosserie, traverse et tablier et le châssis dévoré par la corrosion. On pense aussi aux pièces de carrosserie tout court : car introuvable. Certaines pièces demanderont à être refabriquées.
Malgré sa rareté, les prix restent bas. Un exemplaire à rénover demande un peu moins de 6 000€. Tandis qu’un véhicule roulant en parfait état demande; 14 900€. Le prix de l’exclusivité à prix d’ami.
GALERIE
VIDEO
Via André Leroux, Toutes les Lancia de 1906 à 2008 (Livre)