En 2003, le Groupe Fiat prend l’eau. Entre les soucis de fiabilité et une situation financière difficile et des produits qui ne séduisent plus, les nuages noires s’accumulent au-dessus du Lingotto. La marque Lancia, peut compter sur quatre personnes et la Lancia Fulvia Concept qui est un vrai rendez-vous manquer.
Quatre hommes et une voiture
Lancia périclite depuis la fin des années 1990. La situation à débuter dès la fin des années 1980 avec l’absorption difficile d’Alfa Romeo. En 1986, Alfa en difficulté l’État italien demande à Fiat de voler au secours de la marque Milanaise. Désormais, le Groupe Fiat à deux marques sportives et luxueuse qui se marchent dessus.
Les dirigeants italiens coupent la poire en deux : Alfa est la marque sportive et Lancia doit représenter le luxe à l’italienne. D’ailleurs, Lancia n’est même pas clair dans son discours. Des années durant elle se complait à se dire bourgeoise sans utiliser un mot qui devient tendance au début des années 2000 : le premium. On peut être bourgeois en faisant des voitures généralistes et bourgeois avec du premium.
Dans ce contexte quatre jeunes managers ont donné naissance à l’un des plus beaux concept-car de l’histoire. La marque à la lance est dirigée par quatre garçons dans le vent. Ce « groupe de garçon » comme Quattroruote les nommes est constitué de : Luca De Meo, Fabrizio Longo, Giovanni Perosino, Flavio Manzoni et Alberto Di Lillo. Ils travaillent à la survie du constructeur, fondée en 1906 par Vincenzo Lancia. Les quatre hommes ont travaillé au lancement de l’Ypsilon III, de la Musa et du concept Lancia Fulvia Concept.
C’est dans cette situation de naufrage que le groupe de managers imaginent la voiture qui va sortir Lancia de sa mauvaise passe. Bien que l’Ypsilon soit un succès, la marque ne peut pas compter que sur la petite citadine. En plus, le début de décennie 2000 est marqué par le succès des petits roadsters, des coupés et du néo-rétro.
Quand tout va mal, on regarde derrière
La plus belle œuvre des quatre compères est celui des trois cités plus haut, qui ne verra jamais la route. En raison évidemment des soucis financiers que traverse l’ensemble du groupe turinois. La marque peut compter sur ses nombreux passionnés exigeants, amoureux de leurs modèles et grand connaisseurs. Chaque modèle de Lancia a toujours un fil conducteur qui les relies : la recherche constante de l’innovation, du raffinement et du savoir-faire italien. Un lien historique fort dans l’ADN de la marque, comme des progrès automobiles qu’elle a elle-même produits depuis plus d’un siècle.
Quand tout va mal, on regarde toujours derrière. Lancia va remonter jusqu’en 1965 quand durant le salon de Genève, la marque dévoile la Fulvia Coupé. La voiture possède une ligne équilibrée, puissante et unique par les solutions mécaniques choisis. Sous le capot on retrouve un moteur 4 cylindres en V dit « V étroit », une alimentation spécifique, une suspension avant triangulée et 4 disques de freinage avec double circuit hydraulique et servofrein. En Italie, la Fulvia coupé gagne le surnom de Fulvietta avec son concept de sportivité élégante. En 7 ans de carrière, le petit coupé s’écoule à 140 000 exemplaires.
La Lancia Fulvia Concept est réalisée en interne au Lancia Centro Di Style (à dire avec l’accent) à Turin. Les designers ont semble-t-il toujours eu un rêve secret : que la Fulvia n’a eu de cesse d’évoluer au fil des décennies. Nos quatre hommes se sont battus des mois durant afin d’obtenir le feu vert de la direction pour la création d’une voiture à l’échelle 1 autrement dit : un prototype.
La Lancia Fulvia ne doit pas être top néo-rétro
Tandis que Volkswagen ou encore Mini jour à fond la carte du néo-rétro avec leur New Beetle et Mini. L’approche des stylistes de Lancia sont différentes ; Manzoni et Di Lillo sont catégorique, un air de néo-rétro oui, mais de la nostalgie c’est non. Il faut réinterpréter la voiture en respectant les traits stylistiques du modèle original tout en la faisant rentrer dans le 21ème siècle.
Le concept devait être rafraichissant, dynamique avec des clins d’œil fort au modèle original. Sans toutefois donner le sentiment que la Lancia Fulvia de 2003 soit une pâle copie du dessin de Castagnero. Il faut alors imaginer une voiture qui mélange un style à la fois raffiné et élégant, un trait d’excentricité, épurée et assez sportive.
La Lancia Fulvia coupé doit être moderne et doit explorer des solutions d’ingénieures capable de résumer l’esprit des futures productions Lancia. Porteuse d’espoir et faire rêver ceux qui rêve encore d’une Fulvia Coupé de 1965. Elle doit être évocatrice d’une époque aujourd’hui, révolue.
Dans le plus grand respect du modèle initiale
La Lancia Fulvia coupé est dotée d’une architecture transposable au modèle de 1965, avec sa forme 3 volumes, mais opte pour des voies plus large, pour plus de stabilité. L’arrière du concept s’inspire de la forme des bateaux Riva marquer d’une queue tronquée, dégageant une impression de dynamisme. Le traitement de l’arrière est dans le respect du modèle originale, il est court et reconnaissable. La forme des feux arrière est conservé tout en ajoutant l’ensemble des fonctions des feux des années 2000.
Le modèle de 1965 est reconnaissable par son arrière coupé nette, sa malle de coffre plate et ses feux fins. Le show car aurait pu être plus musclé mais les designers ont choisis de traiter l’arrière de manière fuyante. L’avant adopte une allure à la fois agressive et élégante avec son grand capot arrondi, des paupières de phares, des ailes profilés qui attire inévitablement vers la cellule. La voiture est peinte dans la teinte « Trilayer Ivory » un beige ivoire triple couches qui tranche avec l’intérieur en cuir marron glacé dit « Testa di Moro » et des touches de tissus gris perle.
A bord, inspiration nautique
L’ambiance à bord nous plonge dans un esprit seventies grâce à d’autres détails comme les commandes de hi-fi chromé ou encore les compteurs ronds. L’intérieur s’inspire très largement de l’élégance des bateaux Riva avec la présence de bois précieux. A l’arrière, derrière les sièges un espace de rangement supplémentaire est disponible. Pour l’occasion, Trussardi crée un ensemble de sacs de voyage exclusif pour le concept. Utilisant les mêmes cuirs que la sellerie.
Les compteurs sont analogiques au design eux aussi empreint d’une aspiration nautique et nacrée. Du côté du pilotage, le volant est en métal à trois branches gainée de cuir. Les sièges mêlent sportivité et ergonomie pour assurer à ses passagers le plus grand confort. Tout en étant le plus enveloppant possible.
Les dessous de la Punto et de la Barchetta
Si la carrosserie est traité dans la plus pure tradition du design Lancia. La construction du prototype s’articule autour de la très réussie plate-forme de la Punto, née en 1993. La suspension avant adopte un système McPherson, avec des montants télescopiques et des ressorts hélicoïdaux coaxiaux et des bras inférieurs. La Lancia Fulvia fait une croix sur l’ABS ou encore l’ESP pour offrir une conduite à « l’ancienne ».
Sous le capot, l’italien y glisse le moteur de la Fiat Barchetta. Le petit 4 cylindres 1,8 l 16 soupapes de 130 ch. Ironie de l’histoire, le 4 cylindres est dérivé du 5 cylindres Lancia, qui fut sous le capot de la Kappa. On ne va pas revenir dessus, mais il est assez souple à bas régime et chantant à haut régime. Tout en étant assez léger pour pousser sur une conduite sportive. Selon les sources, le moteur a été retravaillé pour offrir 140 ch à 6400 tr/mn et 213 km/h en vitesse de pointe. On vous le dit dès le départ, la Lancia Fulvia n’est pas un exercice de style, mais bien prévue pour être produite de série.
L’équipe voulait faire passer un message : Lancia est de retour dans le premium avec un produit image et il est très bien étudié. La voiture use de l’aluminium pour la carrosserie, ce qui lui permet d’obtenir un poids en dessous de 1000 kg, soit 990 kg à sec. Ce qui lui garantit un excellent poids/puissance de 7kg/chevaux et un 0 à 100 km/h en seulement 8,6 secondes. La consommation en cycle mixte, la Fulvia, annonce un joli score de 7,3l/100 km.
La Lancia Fulvia Coupé va être un plébiscite
Lors du salon de Francfort de 2003, c’est un immense succès auprès de la presse que du public. Le stand de la vieille marque italienne est littéralement pris d’assaut par les visiteurs. Les passionnés répondent présent tout comme les lancistes qui voit la marque à la lance revenir sur le créneau de la voiture passion. Tout le monde est d’accord pour saluer sa grande personnalité et son charme. Les graphistes font chauffer la palette et imagine rapidement une version cabriolet. Lors de nos recherches Lancia a aussi imaginé une version sans toit. Tout comme une version sport, qui aurait pu prendre le nom de HF avec son capot noir.
Tous les voyants sont aux verts pour la commercialisation. Nos quatre hommes à l’origine du projet y croient, le Groupe Fiat va dire oui. Malheureusement le groupe automobile change de direction : Sergio Marchionne arrive aux commandes en 2004. C’est la douche froide aussi bien pour l’équipe que pour les clients. Des années après Luca De Meo parti depuis Renault, avoue qu’il regrette qu’elle ne soit jamais sortie. Alors oui, j’ai pas mal de rancœur contre Marchionne qui a fait de la mono culture de 500 chez Fiat, couler Alfa Romeo et tuer Lancia. Mais la direction de Lancia annonce en 2008 avec l’arrivée de la Delta de troisième génération, la venue d’un nouveau coupé. Coupé qui n’arrivera jamais, comme une certaine Lancia Fulvia.
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Via : La Repubblica.it, SQUADRA FULVIA