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Alfa Romeo Alfasud : la (toute) première fois en traction (1972-1984)

Alfa Romeo Alfasud

L’Alfa Romeo Alfasud est la première voiture du Biscione à profiter de la traction. Sous l’impulsion de Fiat et sa 128, mais aussi du gouvernement italien, propriétaire de la marque, Alfa doit rattraper son retard sur la concurrence. L’Alfasud tire évidemment son nom du fait d’être construite à Pomigliano d’Arco, près de Naples. On retrouve tous les ingrédients traditionnels d’une Alfa Romeo : moteur Boxer, sportivité et rouille… grosse spécialité de la compacte Italienne concentrant toutes les moqueries possibles. La voiture reste, encore aujourd’hui, un fardeau pour la marque pour qui Alfa rime avec problèmes.

Alfa Romeo entre révolution technique et sociale

Pour la marque milanaise, l’heure est au changement. Alfa Romeo doit répondre à la populaire Fiat 128 qui transforme petit à petit le paysage automobile. La 128 connait le succès avec une formule simple : une berline fastback à traction. Le Biscione réfléchit aussi depuis les années 60, avec le prototype 103, à une berline traction, sans trouver vraiment de recette qui lui convienne. Surtout, le gouvernement italien met la pression pour relancer la machine qui voit l’opportunité de créer à terme de l’emploi dans les régions du sud de l’Italie. La marque, de son côté, voit une possibilité d’élargir sa clientèle avec une voiture à l’architecture moderne et au comportement moins piégeurs.

La petite Italienne vient investir le segment C pour se placer au-dessus de la Fiat 128. Dans son viseur, les Italiennes, mais aussi l’Austin et la Simca 1100. Déjà surement trop moderne, l’État-major d’Alfa ne jugera pas nécessaire d’apporter un hayon à l’Alfasud (il arrivera bien plus tard). Devenant l’entrée de gamme du constructeur, la compacte ne profitera pas de grosse mécanique et fait confiance à un 4 cylindres à plat Boxer. Le projet démarre en 1967 sous l’égide de l’ingénieur Rudolf Hruska pour la technique. Le design, quant à lui, est confié à Giorgetto Giugiaro.

Rudolf Hruska (1915-1994), d’origine autrichienne, se charge de la conception de la voiture, mais aussi de la construction de la nouvelle usine. Il rentre chez Alfa Romeo en 1954 en tant qu’ingénieur production et conception. En 1959, il rejoint Fiat puis revient chez Alfa en 1967 pour gérer les nombreux problèmes de la marque.

Alfa Romeo + Sud de l’Italie = Alfasud

En plus de rajeunir et de moderniser l’image de son constructeur, l’Alfasud eut un rôle social dans une Italie frappée par le chômage et les inégalités territoriales entre les régions nord et sud. Pour simplifier, l’État italien donne son accord pour une voiture plus accessible au sein de la gamme d’Alfa, à condition que cette dernière soit construite chez les ploucs sudistes. La marque milanaise, à travers la holding publique IRI de l’État italien, décide de faire construire une toute nouvelle usine. Idée débile ou pas, le site se spécialise uniquement à la fabrication de la future compacte. Le site choisi se situe dans la commune de Pomigliano d’Arc, près de Naples (site qui construit toujours la… Fiat Panda). Le site prend le nom d’Alfa Romeo Pomigliano d’Arco.

L’AlfaSud : est un succès…

Dommage, car dès le départ, la voiture est conçue comme le nouvel étendard de la marque. Elle profite d’un site de fabrication rien qu’à elle ! Les solutions techniques, la tenue de route sont soignées, tout comme la présentation et son design. On sent qu’Alfa Romeo a voulu, avec l’Alfasud, une voiture très aboutie. Son CX est excellent avec un coefficient de 0,40. Malheureusement, elle va connaitre plusieurs ratées qui nuisent très rapidement à l’image de la marque. La conception de la voiture ne dure que quatre ans, ce qui permet à Alfa de l’exposer pour la première fois le 3 novembre 1971, lors du Salon de l’Automobile de Turin. La carrière commerciale démarre en 1972 et les premières livraisons réalisées dans la foulée. La compacte est disponible en 2 et 4 portes avec de série une rouille corrosive et une finition qui va la plomber…

La petite Italienne se voit affublée dès son lancement, par les puristes, du surnom Alfanord du fait de sa traction. La qualité de finition est déplorable, en cause les ouvriers pas qualifiés et peu formés. Ces derniers viennent du BTP et ont pour la plupart participé à la construction de l’usine. Pourtant, la présentation intérieure est plutôt sportive avec des sièges en skaï, un siège conducteur ainsi qu’un volant réglable en hauteur et un système de ventilation moderne. Malgré tout, c’est la foire aux matériaux basiques et bas de gamme. Les tapis de sol sont en caoutchouc, les plastiques des portières sont de mauvaise qualité tout comme la planche de bord. L’Alfasud va aussi faire l’impasse sur le servofrein et le compte-tours. Dommage, car l’Italienne a un argument de taille pour l’époque : un tarif canon.

Giorgetto Giugiaro signe le dessin 

L’esthétique de la compacte sort du bureau d’ItalDesign et de Giugiaro. Bien que proche de la Citroën GS sortie quelques années auparavant, l’Alfa fait d’autres choix. En duel avec Robert Opron, la proposition de Giugiaro n’aura pas de suite pour la GS. L’Italienne se singularise sur d’autres points : vitres planes latérales, gonds de coffre apparents, pare-chocs débordants, capot qui s’ouvre vers l’avant et la suppression de la vitre de custode arrière. De plus, le nouveau moteur Boxer permet au designer d’abaisser la calandre. 

… avec rouille de série !

Côté technique, l’Italienne est très bien lotie avec ses 4 freins à disque hydrauliques avec un différentiel. La suspension se fait via 4 roues indépendantes. Sous le capot, le moteur Boxer refroidi à l’eau est implanté de manière longitudinale. Il entraine les roues avant et dotée de deux arbres à cames. Lors de son arrivée sur le marché, l’Alfasud rencontre son public. Elle profite d’un comportement routier très sûr. Au fil des mois, la cadence de production va ralentir non pas à cause d’une baisse des commandes, mais du fait des soucis de qualité. La carrosserie va rouiller plus vite que son ombre, après son arrivée en Europe du Nord. Nos pauvres amis scandinaves vont vite se rendre compte que la voiture rouille avec l’humidité et des défauts de construction vont apparaître.

Les défauts de construction, liés à l’acier, commencent par le stockage de ce dernier. En effet, l’acier est de mauvaise qualité, stocké longtemps à l’air et mal préparé avant la fabrication de la carrosserie. Les défauts d’assemblages sont comparables à vous pendant le montage de votre meuble d’une enseigne suédoise (faite pas genre, vous aussi vous avez mis 3 heures avec l’étagère). Les Italiens aussi n’ont pas compris le mode d’emploi. De plus, les contrôles qualité n’ont pas été suivis à la lettre. La marque italienne va aussi se confronter à des soucis syndicaux tendus : conflits sociaux et autres grèves qui perturbent la régularité de la production. Alfa va rapidement corriger le tir avec l’adoption du traitement par cataphorèse.

Sous le capot… pas un foudre de guerre 

Le nouveau moteur Boxer 1.0l à plat délivre « seulement » 63ch. C’est peu, mais il aime monter dans les tours et offre une sonorité très sympa. L’entrée de gamme du Boxer n’aura droit qu’à une boîte 4 rapports, tout en offrant une V/max de 153 km/h, plutôt confortable. Par la suite, la palette de moteur va fortement s’étoffer. Heureusement avec le restylage de 1977, la gamme se renforce avec les versions 1,3 et 1,5l avec une boîte 5 rapports.

Dès 1973, la gamme évolue et on note l’adoption du servofrein sur la voiture, ainsi que l’arrivée du compte-tours, très attendu par les Alfistes. La gamme s’enrichit de l’AlfaSud Ti à 2 portes plus sportives. La Ti reçoit des pneus plus larges avec de nouvelles jantes, de nouveaux blocs optiques à quatre projecteurs ronds, les clignotants déportés dans les pare-chocs, un spoiler avant et un aileron arrière (réduisant alors le Cx à 0,39). En outre, les essuie-glace, le montant central, et la grille d’aération sont peints en noir. À l’intérieur, les sièges sont nouveaux, en étant plus sportifs avec une sellerie bimatière mixte tissu/skaï, un volant 3 branches… Le moteur Boxer passe à 68ch avec deux nouveaux arbres à cames ET l’adoption d’un servofrein.

Une berline, un coupé, un break…

L’année suivante apparait l’Alfasud L, version chic, qui se pare d’un équipement plus riche. Les sièges sont en tissu et gagnent des appuis-tête, adoptent une vraie moquette, des baguettes chromées autour des glaces et surtout une meilleure finition intérieure. Le moteur lui s’améliore légèrement avec plus de couples à bas régime et reçoit une boîte 5 rapports, dite Alfasud 5m. L’année 1974 clôt l’incident de la rouille et les critiques cessent. En 1976, la Ti voit son moteur retravaillé avec une puissance de 75ch et une cylindrée qui développe désormais 1,3l. 

L’année 1975, la gamme s’enrichit d’un break qui prend le romantique nom de Giardinetta, qui ne rencontrera pas le succès. En 1976, un véritable coupé rejoint la gamme : l’Alfasud Sprint, mais elle fera l’objet d’un autre article. En 1977, la gamme est remaniée, avec des nouveaux pare-chocs en caoutchouc, nouvelle calandre et le biscione sur les montants arrière. L’Alfasud Super fait son apparition avec, encore une fois, une finition de meilleure qualité.

1980 : une dernière fournée avant la retraite

En 1980, l’Alfasud reçoit un dernier restylage avant sa retraite et surtout avant l’arrivée de la 33. Le restylage est plus profond, avec une nouvelle face avant. L’arrière reçoit une nouvelle malle de coffre à charnière invisible et des feux plus fins. La Giardinetta, qui n’a pas connu le succès, n’est pas reconduite. En 1981, la marque fait le ménage et la version 2 portes disparaît pour laisser la place à une 3 portes à hayon dite SC. Étrangement, il faut attendre 1982 pour que la version 5 portes reçoit le hayon. Encore plus bizarre, une version S est proposée avec… la malle de coffre à l’arrière, tandis qu’une version Quadrifoglio Oro coiffe la gamme les derniers mois de carrière avec un 1,5l à carbu double corps de 95ch.

En 1983, c’est le clap de fin, la dernière séance et le rideau est tombé, l’Alfasud tire sa révérence après 11 ans de carrière. Sa remplaçante est le modèle 33, sortie avant que Fiat ne rachète la société. Véritable révolution sociale et culturelle, l’Alfasud a apporté beaucoup à Alfa Romeo malgré un début de carrière pas facile. En termes de volume, la berline ne dépasse pas le million d’exemplaires, mais s’écoule tout de même à 951 928 exemplaires. En additionnant la Sprint, c’est le cas avec 116 552 unités supplémentaires avec le coupé.

L’Avis des Cylindres :

Du côté achat, on vérifiera la rouille qui sur les 3 premières années a ravagé la compacte. La rouille se cache un peu partout comme sur les longerons, le châssis, les ailes, la carrosserie… Les plastiques résistent plutôt bien malgré le côté « basique ». Les moteurs Boxer sont fiables même si la boîte a tendance à craquer avec les années.

En seconde main, l’Alfasud ne voit pas sa cote monter. On trouve des exemplaires à rénover dès 2 000 € avec moins de 100 000 kilomètres. Les plus beaux exemplaires avec 70 000 kilomètres ne réclament qu’entre 4 000 et 5 000 €. Les plus beaux exemplaires réclament désormais un minimum de 10 000€. Les versions QV en 3 portes grimpent même à plus de 25 000€.

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