Vous voulez de la licorne ? En voilà deux pour le prix d’une ! Si MG est revenue à la vie, ce n’est pas grâce à un bloc moteur V8, mais à la fée électricité et surtout parce que la marque est chinoise depuis 2005. Grâce à Rover aussi, la maison mère, mais avec moi de chance. Mais 20 ans plus tôt, pour éviter de prendre l’eau et redonner envie aux clients de revenir en concession, les Anglais dotent les très sages Rover 75 et MG ZT d’une motorisation V8 provenant de la Ford Mustang.
Rover 75 V8 et MG ZT 260 : atypiques à plus d’un titre !
Sur nos routes, vous croisez régulièrement la récente compacte électrique MG 4 (et avez découvert sa version sportive), mais aussi les SUV ZS et EHS. Mais pendant près de 20 ans, le nom de MG et surtout Rover avait disparu de nos spots TV ou encore des sites spécialisés automobiles. La marque au drakkar a complètement disparu en Europe et c’est uniquement autour des rassemblements et après des amateurs que la marque existe encore.
Si le cœur vous en dit et que vous êtes amateur d’Anglaises et surtout de Rover et de MG, voici les licornes ultimes de la production automobile : la Rover 75 V8 et la MG ZT 260. Il faut dire qu’avec seulement quelques mois de carrière, leur existence a été (très) courte. Pour cela, il faut remonter en mai 2000.
Alors qu’en 2000, Rover Group est petit à petit vidé de son contenu par BMW, Land Rover est revendu à la Ford Motor Company et Mini et quelques noms sont conservés par BMW (dont MG qui reste propriété de l’Allemand). Le groupe MG Rover voit le jour. Le nouveau groupe veut capitaliser sur l’image de la marque MG. BMW et Ford ayant mis le véto sur le nom Rover pour la commercialisation de SUV. Les Anglais ne sont pas fous et savent très bien que le nom Rover devient inutilisable, alors on mise sur MG. Dans tous les cas, MG Rover décline fin 2000 les Rover 25, 45 et 75 sous la gamme MG qui deviennent les ZR, ZS et ZT. Libérer de la marque allemande, les Anglais font ce qu’ils veulent sur la berline 4 portes V8.
Seul aux commandes, MG prend le dessus sur Rover
La plupart des articles qui traitent de la motorisation V8 chez les Anglais mettent toujours en avant la Rover. Évidemment, durant plusieurs décennies, les modèles Morris Garage se résument uniquement à un jeu de badge et de finition façon sport. Pourtant, dans le cas de la berline V8, c’est MG qui prend le dessus sur le drakkar. De toute manière, la MG ZT n’est nulle autre qu’une Rover 75 ! Le moteur V8 américain doit se glisser sous le capot de la MG, quitte à faire autant que la jumelle de Rover le propose aussi.
Lors du ménage de printemps opéré par BMW, Rover Group perd la division Powertrain pour la fabrication des moteurs et boîtes de vitesses du groupe britannique. Pourtant, l’objectif des Anglais est de mutualiser les éléments mécaniques, quitte à faire du charmes ailleurs. Les dirigeants de MG Rover se tourne vers d’autres fabricants de moteurs, comme Ford. Mais revenons à nos berlines. Initialement, la MG ZT devait reprendre le bloc V6 KV6 2.5l de la Rover 75. La marque anglaise avait même annoncé une version retravaillée pour sortir 190ch. Bon, 190ch, c’est bien surtout sur une routière, mais les Anglais se disent : « Et si on installait un bloc V8 ? AH OUAIIIIIIIIIIIS ». Toutefois, dans un premier temps, c’est une contrainte industrielle qui se pose. Mais ce n’est pas tout…
Ne disposant pas de V8 dans sa banque d’organes, MG cherche un partenaire disposant d’un moteur V8 prêt à l’emploi. Maintenant que BMW n’a plus aucun lien avec les Anglais, il faut un autre motoriste. Les Teutons n’aiment pas non plus la sauce à la menthe, les Américains, oui. En tout cas, MG Rover se rapproche au milieu de l’année 2000 de Ford. Dans le même temps, BMW cède à MG Rover la société Powertrain.
Un Mustang sous le capot ? Yes Darling !
Les contacts noués avec Ford permet tout de même de fournir à MG et à Rover le V8 Ford Modular Engine que l’on retrouve sous la Ford Mustang GT. Le bloc délivre 4.6l de cylindrée à deux soupapes par cylindres pour 260ch à 5 000tr/min et 410 Nm dès 4 000tr/min. Avec un bloc à la hauteur de ses ambitions, MG Rover travaille sur l’adaptation de la plateforme, et c’est un beau bordel. Pour s’en sortir, le constructeur fait appel à Prodrive, spécialiste de la préparation automobile de compétition. Par le passé, MG et Prodrive ont déjà travaillé ensemble sur la MG Metro 6R4 en rallye Groupe B.
MG avec un concept-car annonce dès la mi-2001 l’arrivée de la motorisation V8. Le concept MG ZT XPower 500 annonce la couleur. Par ce concept, MG annonce son offensive pour l’année 2002. La MG ZT 260 s’annonce pour le printemps 2002 tandis que la ZT 385 et ses… 385ch, grâce à l’ajout d’un compresseur Roush, était attendue pour l’été 2002. Malgré l’attente, la MG ZT Xpower, pas vraiment finalisée, n’ira pas plus loin. Le concept était surtout un moyen d’illustrer les ambitions sportives de MG Rover.
Du côté du châssis, la puissance du V8 Ford ne pose aucun souci aux soubassements de la 75. On dit que le châssis pouvait même encaisser plus. Bon… là où ça part en vrille, c’est que les jumelles MG Rover sont en réalités des tractions. Du coup, on se dit que pour mieux gérer la puissance, il faut que les berlines soient des… propulsions. Un sacré challenge qui va coûter cher.
Une plateforme qui tourne et retourne
La plateforme anglaise va devoir s’adapter au bloc Ford avec des adaptations qui compliquent la vie des passagers. D’ailleurs, le Rover Club de France explique que le châssis de la Rover 75 ne provient pas de chez BMW, mais que les Anglais retournent tout simplement le châssis de la berline. On retrouve ainsi le tunnel central pour loger l’arbre de transmission, mais aussi un différentiel avec pas mal d’adaptations. Du coup, le tunnel est élargi et la console centrale en fait de même. Tous ces arrangements se perdent au sacrifice de l’espace à bord, ou plutôt pour les pieds du conducteur qui perd le repose-pied sur la conduite à droite. Sans oublier qu’il faut changer le train arrière avec un modèle spécifique, tout comme le freinage arrière (disques spécifiques à l’arrière et avant de la MG TZ 190) sans oublier la suspension.
Le développement vire au drame avec l’adaptation de l’électronique BMW d’origine (héritage des années 90) et celui de Ford. Dans un souci d’économie ou de simplicité, la boîte de vitesses Tremec provenant de la Mustang GT est conservée. Et là, vous allez me dire : « C’est bon, c’est fini ? » Non ! Parce que le compartiment moteur de la MG n’a pas été prévu pour un tel moteur. Les ingénieurs le rentrent au chausse-pied car le bloc Ford a une configuration longitudinale, obligatoire en propulsion. Les ingénieurs font usage d’un véritable tour de force avec l’emplacement de la batterie qui migre dans le coffre et un nouveau système de chauffage et de clim plus compact. Du coup, MG dit au revoir à la roue de secours et propose une bombe anti-crevaison. Extérieurement, pour reconnaître la MG à moteur V8 de Mustang, il faut regarder les quadruples sorties d’échappement.
La MG ZT 260 prend du retard et bloque la Rover 75 V8
Annoncée pour l’été 2002, la berline anglaise enchaîne les retards. Du coup, MG Rover réagit et retire le projet à Prodrive. Se rejetant mutuellement la faute, les ingénieurs du groupe britannique reprennent en main le projet, bien aidé par les ingénieurs de chez Ford. Finalement, la puissante berline n’arrive sur le marché britannique qu’au mois de septembre 2003 en même temps que sa version break, la MG ZT-T 260. Le marché français doit attendre… patiemment. La presse anglaise encense la familiale sportive et la décrive comme la digne descendante de la Rover SD1 Vitesse. Le seul point noir reste que la berline est sur un marché de niche et que le groupe Anglais a plutôt intérêt à faire du volume.
MG Rover a deux soucis plus importants que de produire une berline V8 : premièrement, la baisse des volumes et le renouvellement des vieillissantes Rover 25 et 45. Bon… pour la 25, Rover imagine la Streetwise, une citadine crossover qui ne parvient pas à cacher les rides de la 25 de base. MG Rover perd en rentabilité et les comptes sont dans le rouge, il faut réagir. Volontairement de niche avec son moteur V8, la Britannique subit des consommations élevées, tout en restant financièrement attractif. Malheureusement, dès les premiers mois, la MG ZT 260 n’attire pas foule en concession.
Le break MG ZT-T V8, une voiture de record
En septembre 2003, MG fait parler de lui avec un record ! La version break ZT-T V8, préparée par Roush et développant 765ch et une cylindrée de 6.0l, atteint les 360km/h sur la piste de Bonneville, sur le lac Salé dans l’Utah aux États-Unis. Pas mal pour un break, non ? La marque détient à ce jour toujours le record. Évidemment, le but de manœuvre pour MG Rover reste de trouver un partenaire et montrer la volonté du groupe d’être encore dans le coup.
Une fabrication artisanale
Imaginable sur une voiture de grande série, pourtant les Anglais l’ont fait ! Plutôt que de renouveler intelligemment leur gamme, MG Rover se fixe sur la production de la berline à moteur V8. Plus vecteur d’image que réellement de volume et la fabrication de la MG puis de la Rover 75, la voiture en est le parfait exemple. Il faut dire que la V8 commence sa vie comme une simple ZT 190 avant de quitter les chaînes de production après la peinture de la caisse pour être transformée de manière artisanale en V8, à la main, avant de reprendre son parcours sur les chaines de production, ce qui limite sa diffusion dès le départ.
« Cette nouvelle version est un superbe porte-drapeau de la marque Rover présentant des produits tout en distinction. Les performances de la voiture et sa prestance feront paraître plus court tout voyage effectué à son bord, bien qu’à l’arrivée, ses occupants quitteront de mauvais gré le havre luxueux d’un intérieur aussi somptueux. »
Rob Oldaker, directeur du développement produit du Groupe MG Rover et homme visionnaire
Le cas Rover 75 V8
Les bails sont posés et vous avez compris que la motorisation V8 profite surtout à MG. Toutefois, vu le prix du développement, Rover va aussi profiter du bloc de la Mustang pour la jumelle. Rover développe en commun la 75 V8 à partir de la version 385ch. Toute manière, le développement de cette dernière se montre extrêmement long. Le 2 mars 2004, durant le Salon de Genève, Rover dévoile la 75 V8… 260ch. Quand on vous dit qu’il s’agit de jumelle ! La Rover propose donc elle aussi 260ch et non 385ch comme initialement prévus. Si la MG a le droit à une boîte manuelle à 5 rapports, la Rover hérite d’une boite automatique à 4 rapports, d’origine Ford.
La Rover 75 V8 se veut moins sportive que sa jumelle et adopte une orientation plus typée confort, avec une suspension plus douce. Toutefois, en termes de performances, les deux berlines sont proches et étonnamment c’est la Rover qui bat la première avec un 0 à 100km/h expédiés en 7,2 secondes contre 7,5 secondes pour la MG. Cependant, avantage à la MG qui offre une V/max à 250km/h contre 243km/h pour la Rover. Sur le plan du style, la Rover 75 V8 adopte une calandre en grille, en référence à la Rover P5 (ou à la récente Audi A6 dont la presse le soulignera).
Comme la MG, la Rover dispose de la version break. À la suite du lancement de la 75 V8, MG revoit sa copie avec l’adoption d’un régulateur de vitesse et d’un antipatinage. En 2005, Rover annonce le prix de la 75 V8 : 51 000 € (64 988 € actuels) contre 44 500 € (56 705 € de 2023) pour la MG. La carrière de la MG ZT et son pendant break ZT-T démarre en France à l’automne 2004. Il faut attendre le mois de mars 2005 pour que la Rover 75 V8 soit à son tour commercialisée. En réalité, il n’y a qu’un seul exemplaire importé par Rover France, à des fins d’homologations. Car… au mois d’avril 2005, acculée par les dettes, MG Rover fait faillite ! De ce fait, aucune voiture n’est livrée.
Avril 2005 : MG Rover fait faillite
Je ne vais pas vous refaire tout l’historique, mais le groupe MG Rover fait faillite sans avoir pu livrer les véhicules. « C’est la fin », comme le chante Juliette Armanet (pas certain de ma référence). Le projet de la ZT 385 est abandonné alors que sa conception avançait et ne verra pas le jour (photo dans la galerie). Si on cumule l’ensemble des exemplaires produits des jumelles, seuls 883 véhicules ont été assemblés entre septembre 2004 et mai 2005. La dernière V8 à sortir de l’usine est une MG ZT. En cherchant les chiffres, ils se décomposent de la manière suivante : 717 MG et 166 Rover, dont l’unique ZT 500, ZT 385 et une version limousine de la Rover (détruite depuis). Pour les conduites à gauche, cumulé il n’existe que 138 exemplaires, dont 37 Rover 75 V8 berline et seulement 3 breaks 75 V8 Tourer.
Fun fact : du vivant de MG Rover, seuls six MG ZT 260 et un break ZT-T 260 ont été importés en France, auxquels on rajoute la seule Rover 75 V8, cette dernière ayant passé par le programme Monogram pour plus d’exclusivité. Pour info, l’unique version break ZT-T a servi pour le kit presse de MG Rover France. Si un exemplaire vous intéresse, armez-vous de patience ou regardez du côté de l’Allemagne ou des Pays-Bas. Il semble au moment où j’écris ses lignes qu’entre 20 et 30 MG Rover V8 circulent en France. Officiellement seul huit véhicules ont été immatriculé en France, les autres sont des imports du Royaume-Uni ou d’Europe.
L’Avis des Cylindres :
Que surveiller sur une licorne ? Le train arrière et l’état de son freinage ! Très complexe et spécifique au modèle, les pièces sont coûteuses. Il faut également se montrer patient quant à leur recherche. Pour de l’entraide, on vous conseille de vous tourner directement vers le Club Rover ou le club anglais Two-Sixties, dont des membres sont en France. Pour les prix, la (les) licornes réclament au minimum 30 000 € et beaucoup de chance. Distinctive, comme le disait son communiqué.
GALERIE
VIDEO
Via AROnline, Rover Club de France, Club Two-Sixties