Au début des années 70, Ford comprend que la Fiat 127 fait l’effet d’une bombe et qu’il ne peut pas laisser Fiat seul sur le créneau. Hors quelques mois plus tard, Renault dégaine la Renault 5. La marque américaine ne peut se laisser distancer par la concurrence. C’est ainsi que le projet Bobcat (cf. lynx en français) voit le jour. Les deux citadines vont devoir compter sur une troisième citadine « polyvalente » : la Ford Fiesta. La bamboche pour la concurrence, c’est fini.
Du projet Blue Car à Bobcat
En 1972, l’état-major du groupe Ford, lance une première compétition autour du thème des citadines. Toutes les équipes de la marque sont sollicitées : les équipes européennes, Ghia et le personnel de Dearborn avec à leur tête Gene Bordinat. Le résultat des recherches est attendu pour le mois de décembre 1972. Cependant, en Italie, le bureau du design de Ghia, dirigée par Alejandro de Tomaso, plie le projet en seulement 53 jours. Le prototype prend le nom de « Blue Car », dessiné par Paolo Martin et Tom Tjaarda, supervisé par Filippo Sapino.
Ghia récupère une plateforme de Fiat 127 et construit son prototype autour. La Blue Car de Ghia (et pas de Bolloré), gagne quels que centimètres. Le concept répond à tous les prérequis du cahier des charges de Hal Sperlich. Le test clinique a lieu à Lausanne, en Suisse, en décembre 72 pour les premières études de marché, réunissant environ 700 personnes, venues de toute l’Europe. Lee Laccoca, apprécie la 127, et Henry Ford II, la Renault 5, sont séduits par la Blue Car. En effet, le prototype de Ghia réunit les ingrédients de la Fiat 127 et la Renault 5.
La Blue Car devient la Bobcat
Face à la Blue Car, les équipes américaines proposent deux concepts baptisés « Mini-Mite », la première en traction et la seconde en propulsion. Une dernière proposition fait la route, sous le nom de « Cheetah ». Pas de quoi fouetter un chat, il s’agit ni plus ni moins, d’une Escort raccourcie. Ford essayant de voir la réaction du public pour faire le projet le moins cher possible.
Le succès de la journée, permet de voir que le projet Blue Car pose les bases du premier cahier des charges de la future Ford Fiesta. Le projet Blue Car devient le projet Bobcat en 1973. La même année, Ford rachète le carrossier Ghia. Le nom du projet fait débat, les équipes proposent les noms de Beta, Deutschlander ou encore Iris. En octobre 1972, c’est Hal Sperlich qui tranche et le projet prend le nom de Bobcat.
La Bobcat devient la Ford Fiesta
La partie développement et financier de la voiture va faire peur aux comptables de Détroit. Comment assurer l’investissement sur un si petit véhicule, car la rentabilité se pose à partir de 140 000 exemplaires par an. Les trois principaux débouchés d’Europe, à savoir la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, n’en ont pas la capacité. De plus, les usines du constructeur tournent à plein régime avec les modèles phares de la gamme (Capri, Escort ou encore Taunus). La direction américaine, pas totalement convaincue par le projet, craint le pire avec la rentabilité du projet, le développement de la traction et sa taille inférieure à l’Escort. La direction réclame que la voiture soit mondiale.
Le développement de la traction va coûter cher à la marque, mais le feu vert est donné pour le développement du projet Bobcat. Après avoir rassuré les comptables du coût de développement de la petite Ford, Henry Ford II en personne s’offre un petit voyage culinaire en Espagne pour accéder au marché espagnol. Depuis son arrivée au pouvoir, Franco ferme les importations de produits non fabriqués en Espagne. Renault, mais Peugeot, ou encore Ford vont ouvrir des usines au pays des tapas. L’usine Ford espagnole sort de terre entre 1974 et 1976, dans la banlieue de Valence.
Une voiture (pas trop) au rabais
Suite à la réunion test du mois de décembre 1972, Ghia développe un second prototype qui pose les bases de la future Ford Fiesta. Ce proto’ voit le jour en janvier 1973, avec une ligne plus proche de la version finale. Ford Europe ne s’occupe pas du développement, occupé par la Ford Escort II. La grande direction dicte sa loi avec une voiture dont la principale qualité est de ne pas vieillir trop vite afin de maintenir les ventes sur au moins 5 ans.
En 1974, durant le développement de la voiture, le choix se fait sur une seule version : trois portes à hayon. L’idée d’une Escort raccourcie passe à la trappe. L’histoire avec nos comptables ne s’arrête pas là. Ils tiennent à ce que la voiture soit le moins chère possible, au point d’être au rabais. Les ingénieurs qui veulent une voiture traction, estiment le coût à 100$ par véhicule. Le coût du développement de la Fiesta explose : la marque investit plus d’un milliard de dollars dans le projet. Il s’agit simplement de la plus grosse enveloppe consacrée au sein de la marque pour un si petit véhicule.
À cela, ils rajoutent une barre antiroulis et une suspension McPherson (comme sur la 127). La Ford Fiesta est l’une des premières voitures dont la résistance aux chocs a été conçue par des simulations assistée par ordinateur. L’arrière profite d’un essieu rigide avec un système antiplongé. La version sportive S, profite d’une suspension plus ferme et d’une barre stabilisatrice.
Pour l’anecdote, le brevet de la suspension éponyme déposé par Earle S. MacPherson fut pour Ford USA en 1949. L’ingénieur devient plus tard le vice-président de la For Motor Company. Pour se démarquer de la concurrence, la finition de la Fiesta se doit d’être au niveau de la récente Volkswagen Polo.
Une américaine avec l’accent espagnol
Sous le capot, la citadine reprend les moteurs Kent de l’Escort ou de l’Anglia. Retravaillé, le bloc devient le moteur Valencia. Le développement a lieu en plein dans la crise pétrolière de 1973. Ce petit moteur va développer 957cm3 pour 40ch et de 44ch puis 1,1l pour 52ch. Assurant une faible consommation de carburant. Le marché américain à le droit 1,6l. Tandis que les prototypes utilisaient la boite et le moteur de la Fiat 127.
Le développement de la Ford Fiesta se termine à l’été 1976. La marque américaine cherche un nom de baptême : après des propositions comme Amigo, Bambi, Bolero, Sierra, Metro ou Pony, la petite Ford a failli prendre le nom de Bravo. Henry Ford II tranche et annule les autres propositions pour Fiesta, en référence à la Fiesta avec Franco en Espagne.
La présentation se fait avec quatre finitions : La Spéciale, L, S et Ghia. La finition L joue le rôle d’entrée de gamme bien équipé avec accoudoirs sur les panneaux de portes, la banquette rabattable, les ceintures à enrouleur réglables en hauteur, dégivrage de la lunette arrière, ou encore le vitrage securit. La liste des options est à rendre jaloux un constructeur premium allemand, car longue comme le bras. Le client avait ainsi le choix sur plusieurs toits ouvrants, transparents et/ou amovibles. Le haut de gamme est représenté par la Ghia qui reprend le 1.1l de 52ch, très très bien équipé pour la catégorie.
La Ford Fiesta, un succès retentissant
Ford vise juste avec sa citadine, bien née, elle répond aux attentes des consommateurs européens et dans une moindre mesure américains. Dès 1977, le cap des 350 000 exemplaires est franchi et dépasse toutes les attentes de Ford. Pour rappel, elle visait les 140 000 unités par an. Une vraie réussite pour son constructeur. À deux doigts de nous refaire le coup de la Ford T.
Le succès de la voiture s’explique par plusieurs raisons : ses faibles puissances alliées à un poids plume (entre 730 et 775kg selon les versions) lui permet d’être économe en carburant avec une conso moyenne de 6.5l/100. Il faut dire que la petite Américaine profite d’un brevet particulier concernant, sa calandre. Cette dernière sert à l’aérodynamique : à faible vitesse, les barres servent à l’admission d’air, tandis qu’à vitesse élevée, l’air remonte au-dessus du capot moteur. Ce système permet à la Fiesta de bénéficier d’un Cx de 0.42, l’un des meilleurs de sa catégorie.
La Fiesta se montre idéale en ville avec 3.56m de long, tout en offrant un empattement de près de 2.30m, amplement suffisant. Les équipes de Ghia ont visé juste, car la Fiesta propose un coffre immense et l’une des meilleures visibilités panoramique. Ce n’est pas tout, la gamme s’enrichit dès le millésime 78 avec une version 1.3l de 45ch.
La même année, au pays du Prince Charles, une version Van débarque avec ses flancs tôlés. En 1978, la Fiesta traverse l’océan pour être vendue chez l’Oncle Sam sous la flamboyante Pinto (flamboyant parce qu’elle cramait facilement). Trop petite, la Fiesta fait un four et disparait en 1980 du marché américain. La Pinto et la Fiesta sont remplacées par l’Escort américaine.
L’évolution de gamme
Le 09 janvier 1979, l’usine de Valence accouche de la millionième Ford Fiesta. Les ventes restent au beau fixe. Pour fêter l’évènement, Ford met en vente une des premières éditions limitées sur la Fiesta : la Million. Suivi par la Disco et la Festival.
En 1981, la Fiesta accuse déjà 5 ans au compteur. L’occasion pour elle de se refaire une beauté avant le passage de relais avec la deuxième génération. Les pare-chocs délaissent l’acier pour le plastique et deviennent plus épais voire, enveloppant. À bord, les appuie-têtes font leurs apparitions. Avec le restylage, apparait la sportive version XR2 avec son 1.6l alimenté par un carburateur double corps Weber de 83ch. La Ford Fiesta XR2 annonce 170km/h en vitesse de pointe. La sportive se reconnait à ses phares ronds, ses ailes élargies, des jantes alu 13 pouces et un becquet. À son bord, on retrouve des sièges sport ou encore un compte-tours.
En 1982, le carrossier Crayford produit la Fiesta Fly, une version cabriolet sur base de Fiesta Ghia 1300, il en existe que 15. L’année suivante, la XR2 fait sauter à son tour le toit pour seulement 7 exemplaires. En 1983, c’est la fin ! La Fiesta laisse la place à une seconde génération, esthétiquement très proche. En huit de carrière, la Fiesta mk1 s’écoule à plus de 2 900 000 exemplaires à travers le monde. Joli score pour une bagnole dont personne n’y croyait.
BONUS, la Ford Fiesta en compétition
La Ford Fiesta a mis les pneus en compétition, avec plusieurs participations en Groupe 1 (catégorie 1000 et 1100cm3) dès 1977 puis en Groupe 2 (1600cm3) dès 1979. La Fiesta passe également en Groupe 1 en 1978 dans la catégorie 1300cm3 et 1600cm3 dès 1979. Ari Vatanen et David Richards arrive dixième à son volant lors du Rallye de Monte-Carlo 1979, en 13e position Roger Clark et Jim Porter. Pour finir la Fiesta passe au groupe A en 1982, avec une version 1600cm3 et rebelote en 1984 avec les versions 1100cm3 et 1300cm3.
L’Avis des Cylindres :
La Ford Fiesta subit, comme de nombreuses autres populaires, une triste fin de vie. Comme pour la plupart des concurrentes, la citadine a été victime des primes à la casse et de la rouille. Une voiture désormais hors des radars qui se montre comme la candidate idéale comme une première expérience en voiture ancienne.
Attention encore (et toujours) à la rouille qui ronge tout : carrosserie, ailes, tablier, châssis, etc. Les pièces restent Dieu merci accessibles, mais certaines comme à l’intérieur deviennent rares. Les prix sont au niveau des pâquerettes avec des exemplaires roulant dès 1 000€. Une Fiesta classique avec moins de 50 000 kilomètres (oui ça existe) demande 4 000€. Tandis qu’une Fiesta 1300S réclament 8 900€ et la XR2 demande minimum 10 000€. Les cabriolets rarissimes se dénichent au petit bonheur, la chance.
Ainsi une page se tourne, ce 7 juillet 2023, la dernière Ford Fiesta quitte l’usine de Cologne, en Allemagne, et ne connaît pas de descendance. Merci à toi et comme disait Georges Pernoud : bon vent.
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Via Car Design Archives, Ford Fiesta Forum, Ford