La Renault 5 est l’une des premières voitures conçues pour et par le consommateur, alliant avec brio les qualités des grandes berlines en l’intégrant dans un format de poche. La petite citadine détonne dans le paysage automobile européen avec sa palette de couleurs, sa bouille et ses petits pare-chocs en plastique. La petite Renault va être un joli succès et gagner ses lettres de noblesse dans le paysage automobile, surtout après avoir été anonyme durant plusieurs décennies.
Renault 5 : une citadine moderne et innovante
Le nouveau projet de l’ex-régie nationale est né de l’intuition d’un homme : Bernard Hanon. S’occupant de la partie américaine du groupe français, il rentre en France en 1966, à l’écoute de ses anciens étudiants américains qui se plaignent de la société. Bernard Hanon prend en compte l’évolution de la société, l’égalité des sexes et surtout l’émergence de la classe moyenne.
Le patron de la marque à l’époque Pierre Dreyfus et Yves Georges écoutent les arguments de Bernard Hanon. En 1967, le marché de l’automobile est divisé en trois catégories : les petites, les moyennes et les grosses berlines. En effet, les monospaces, les ludospaces et autres SUV n’existent alors pas encore. La marque française constate que les voitures sont performantes et fiables. En outre, le confort ou encore l’élégance sont les points forts des grosses berlines.
Un projet bien dans son époque
Chez Renault, on voit aussi l’émancipation des femmes et la possibilité pour les jeunes d’avoir leur première voiture. Mais qui dit cible féminine dit l’apparition de la seconde voiture de la famille. Le projet est tellement décalé qu’on imagine le nom définitif de la nouvelle Renault 2. Mais devant l’excentricité du projet, qui doit être plus désirable que la Renault 4, le marketing choisit qu’elle portera le nom de 5 pour faire le lien entre la 4 et 6.
En 1968, le Projet 122 voit le jour, en plein mouvements sociaux de mai 1968. Le cahier des charges est dans l’air du temps et prévoit d’unir les aspects pratiques des petites berlines par le biais de leur taille et leur tarif, tout en rajoutant le confort des grandes berlines. Monsieur Dreyfus souhaite que la voiture soit un concept novateur et dans l’air du temps. La voiture doit être pratique, solide mais aussi confortable et élégante. De plus, la petite citadine doit pouvoir faire comme les grandes : un aller-simple Paris-Marseille avec un seul plein pour démontrer son côté économique.
Une voiture qui fait le lien entre marrante et sympathique
Renault va se frotter à la colère de Peugeot. Les deux ont signé un accord en 1966 : Peugeot conçoit des voitures cossues, Renault les pratique. Cette dernière imagine le Projet 122 en trois et cinq portes avec un hayon. Sauf que de son côté, Peugeot, qui conçoit la 104, refuse que la Renault 5 soit proposé en cinq portes. L’argument du sochalien est le suivant : une voiture de luxe se doit d’être pratique avec cinq portes. Tandis que les jeunes apprécient la Volkswagen Coccinelle avec ses deux portes uniquement, Renault a gain de cause concernant le hayon pour le Projet 122.
Renault est moquée par la marque au lion et son projet nul. Chez l’ex-régie, on devient inquiet avec le Projet 122. Dreyfus rassure en disant que si la voiture est un flop, la cinq portes sortira malgré le refus de Peugeot. Le cahier des charges progresse en ajoutant la possibilité d’avoir assez de place pour quatre adultes ou des jeunes enfants. La voiture doit proposer un coffre capable d’avaler les courses de la semaine lorsque Madame ira dans ce concept novateur pour l’époque : le supermarché de banlieue.
Michel Boué, le papa de la R5
Les designers vont aussi se lâcher avec une ligne lisse et vont prendre en compte un autre concept nouveau : l’aérodynamique. Le dessin de la voiture est signé Michel Boué. La Renault 5 dispose d’un capot court, de deux larges portes latérales avec poignées de porte dissimulées et d’une large surface vitrée. Elle reprend, comme sa grande soeur la Renault 4, le hayon. Les pare-chocs sont conçus en polyester armé afin d’absorber les chocs jusqu’à 7 km/h sans déformer la voiture, ce qui s’annonce idéal en ville ou en campagne (on vous voit les sangliers et les biches). L’autre avantage des pare-chocs, c’est de ne pas casser la ligne de la voiture, exit le chrome et l’acier.
Notons qu’à l’époque, le choix est restreint avec les Fiat 500, Volkswagen Coccinelle ou encore de la Citroën 2CV voire de l’antique Peugeot 203. Dix mois avant le lancement de la petite 5, Fiat présente en 1971 la 127 qui déroute la clientèle. Ce lancement rassure chez Renault qui se dit que le lancement de la petite citadine est en bonne voie et que l’arrivée de la Peugeot 104 n’est pas une menace.
Un design signé d’un jeune premier
Le design de la petite 5 est rapidement gelé par les équipes internes de la marque. Son dessin est signé par un inconnu dans le monde du design : Michel Boué. Venant de débuter chez Simca, ce dernier s’ennuie chez le constructeur franco-italien. Il rejoint alors le constructeur français dans la foulée de son départ de Simca. Le dessinateur réalise les croquis en quelques minutes en 1968. La légende dit même qu’il aurait dessiné sur une serviette lors d’un repas de l’équipe de conception.
Le dessin est simple : la R5 est dotée de deux gros feux carrés, d’angles arrondis, de feux arrière verticaux, d’un petit capot et d’un dessin global rondouillard. Malheureusement, Michel Boué ne verra pas le succès de sa petite voiture. Il est emporté par la maladie quelques mois plus tôt en 1971.
Une Renault 5 bien dans son époque
Le 28 janvier 1972, la petite citadine est présentée et commercialisée dans la foulée. La française révolutionne l’automobile et met dès le départ une claque à la concurrence. Présentée la même année, Peugeot est humiliée avec sa 104. La petite 5 surprend le public sur plusieurs points avec son style avant-gardiste et ses innovations : elle bien dans son époque. Les carnets de commandes sont pleins et l’usine de Flins n’arrive pas suivre la cadence. Heureusement, la Renault 5 partage de nombreux éléments avec les Renault 4, 6 et 8, ce qui permet d’avoir les pièces nécessaires.
La citadine va entrer rapidement dans le cœur de nombreux Français par la sympathie qu’elle dégage et surtout grâce à une excellente campagne publicitaire avec, en mémoire, le spot « Ma 5 est une sorcière » ou encore la bande-dessinée qui se met au service de la 5 GTL. En 1981, la petite française reçoit en renfort une version 5 portes, qui se reconnait avec ses poignées chromées, qui disparaîtront l’année suivante.
La Renault 5, c’est aussi des séries spéciales qui feront vivre la gamme durant dix ans. Notons la rarissime Montecarlo, mais aussi les Campus (plus accessibles), Super Campus ou encore les démoniaques Turbo puis Turbo 2. La gamme en elle-même va évoluer au fils des millésimes avec les L, LS, TX, Alpine ou encore les Lauréate Turbo et surtout Lauréate, la finition finale de la française. Enfin, en Espagne, la 5 est accompagnée par la Renault Siete (7).
Une carrière couronnée de succès
Toutes les bonnes choses ont une fin, et la petite sorcière disparaît début 1985, après onze ans de carrière. Elle a trusté la première place des ventes durant huit longues années pour la concurrence. En 1983, celle qui va la mettre à mal à l’hégémonie de la « Cinq » est une autre française : la Peugeot 205. La petite Renault s’écoulera à plus de cinq millions d’exemplaires sur toute sa carrière, qu’elle continuera loin de la France (en Iran, pour être précis). La 5 laisse la place à une autre citadine moins innovante mais tout aussi réussie : la Super 5, dessinée par un certain Marcello Gandini.
L’oubli puis un retour en grâce
Derrière mon titre racoleur, moi, le grand fan de la sorcière et propriétaire d’un exemplaire depuis six ans, a souvent subi les quolibets des autres collectionneurs. Non, la R5 ne sera jamais collector : trop populaire, pas assez chic ou n’a pas fait assez rêver. Pourtant, force est de reconnaître que même son constructeur l’avait mis de côté avec la 4L. Pourtant, en 2021, on vit un retour en grâce pour celle qui a modernisé un segment et dont tout le monde s’est inspiré. Quel plaisir de voir qu’à Rétromobile, la 5 est mise à l’honneur sur le stand de la marque et qu’en 2024, une nouvelle 5 désormais électrique revient avant même la 4L. Une revanche ?
EDIT 2023 : À l’occasion du salon Rétromobile de cet année, Renault en partenariat avec R-Fit a dévoilé un kit rétrofit pour la petite citadine.
L’Avis des Cylindres :
La petite Renault est accessible financièrement dans ses versions les plus diffusées. Certaines séries spéciales s’envollent comme les Montecarlo, Turbo et Turbo 2 ou encore les Lauréate Turbo. La cinq a le mérite d’avoir très bien vieilli : c’est une petite daily économique et sympa à conduire. Ajoutez l’entretien simple et peu cher, et nous avons là le cocktail réussi d’un début de collection. Attention en revanche à certaines pièces qui deviennent introuvables, comme une rotule de boîte. On fera également attention à la rouille : P. Verges signalait à l’époque une tribune sobrement nommée « Renault 5 : je rouille pour vous ».
La 5, reposant sur une base de R4, a la fâcheuse tendance à rouiller à l’arrière des feux arrière, dans les passages de roues arrière mais aussi avant. En effet, la boue ou encore l’eau ont tendance à rester coincées à l’intérieur. Pour le reste, l’intérieur vieillit bien. Une 5 s’échange à partir de 500 € avec une réflection complète. Un bel exemplaire état collection avec plus de 150 000 kilomètres demandera 1 500 €, tandis que sous les 100 000 kilomètres, les prix de toutes les versions confondues dépassent désormais les 3 000€ voire les 100 000 € pour une Turbo.
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