Lotus tombe dans le très gros panier de l’ogre General Motors en 1986. Ce dernier a l’ambition pour la petite marque anglaise, la direction décide de voir les choses en grand, en très (très) grand. Il faut un minimum respecter la tradition de la marque à défaut de respecter son ADN. En 1989 apparait le premier modèle de la (grotesque) relance : la Lotus Elan M100. La marque d’Hethel fait revivre la carrosserie roadster à deux places qui avait disparu de sa gamme quelques années auparavant.
La Lotus Elan M100 : la voiture de la relance
Le petit roadster anglais a la lourde mission de relancer la marque britannique, créée par Colin Chapman en 1952, avec un certain respect des valeurs de la marque. On le sait, comme toujours avec General Motors, un projet peut toujours virer au fiasco dans la constellation du groupe. Et la pauvre Lotus Elan va en faire les frais. GM a une certaine tradition à travers les décennies pour faire de jolies choses, mais aussi de nombreuses catastrophes industrielles (coucou Saab, dernier exemple en date). Ces dernières années, le groupe semble enfin avoir compris la leçon.
Cependant, la Lotus est bien née. Les fées britanniques américaines vont se pencher sur son berceau et vont tout faire pour séduire les amateurs de la marque avec une voiture qui reprend une formule disparue depuis quelques années dans le catalogue du constructeur. GM n’est pas à l’origine du projet, mais Colin Chapman. Au début des années 1980, notre homme veut remplacer la première Elan, sans s’y croire. Notre homme mise plutôt sur la prochaine Esprit.
C’est donc sans fougue ni envie que la décision est prise. Le projet M90 est lancé en 1981. Seulement l’histoire s’embrouille avec un projet qui part dans tous les sens. Le projet prend la direction d’un roadster 2 places, puis coupé 2+2, etc. Sauf qu’entre temps, Colin Chapman disparait en 1982, laissant la société dans le chaos et dans le rouge financièrement. La marque est donc rachetée en 1986 par General Motors.
Une voiture Light is Right
Le puissant groupe américain éponge les dettes et reprend le projet M90. Lotus se cherche et GM tranche définitivement. Le projet prend la forme d’un roadster biplace léger, sportif et surtout dans le respect du light is right. GM se base sur une enquête faite quelques années auparavant qui montre l’apparition des GTI. Lotus et surtout GM, vont jouer aux apprentis sorciers en développant la voiture autour de ce thème : accessible, fun à conduire et dans l’esprit de la marque. Une compétition pour son design est lancée en interne face à Italdesign et… General Motors. C’est la proposition interne, signée Peter Stevens qui gagne.
Je vous rappelle qu’on parle tout de même de GM. L’Elan M100 va devoir subir les démons du groupe américains. Elle va devoir être conçue à l’économie, avec pour commencer une rentabilité pousser à son maximum. L’ensemble moteur-boîte provient de chez Isuzu qui doit être fiable et SURTOUT peu chère. Il s’agit d’un 4 cylindres à 16 soupapes gavés au turbo IHI qui développe 167ch. Les Anglais auront droit à une version atmosphérique de 130ch. La voiture, dans la grande tradition de la marque, s’habille d’une robe en fibre de verre multipanneaux. Elle repose sur un châssis poutre en acier galvanisé.
Tandis, que la liaison au sol se fait via une suspension à 4 roues indépendantes à double triangulation. Lotus apporte un soin particulier à la conception du train avant pour éliminer les remontées du couple dans le volant. Tradition Lotus oblige, la voiture est légère et annonce, avec le plein, un poids correct de 997kg. Les premiers prototypes prennent la route en 1987. Fort heureusement le concept Lotus reste avec un roadster deux places, court et large. Côté finance, le développement de la Lotus Elan M100 coute 35 millions de Livres sterling. C’est le coût de conception le plus élevé depuis les débuts de la marque. Mais le pire va vite arriver !
La Lotus Elan M100 est une traction !
Là où GM va faire sa première erreur, le forçant à s’en débarrasser dès 1993, la petite Lotus va être une traction. Oui, vous avez bien lu, c’est une traction… Un sacrilège pour les fans de la marque. Pas le choix, les ingénieurs Lotus ont du s’adapter à sa motorisation ISUZU. Le signe quand on achète une marque et qu’on s’en bat les roubignoles des classiques. L’ADN d’une marque ? On s’en fout, on veut de la rentabilité. GM va très vite comprendre son entêtement à ses dépens.
Heureusement, la voiture possède une ligne très sportive. Avec des porte-à-faux réduits à leur plus simple expression, un avant profilé avec des feux pop-up à double optiques (repris de la Venturi 300 atlantique) et des feux arrière partagé avec l’Alpine GTA. De plus, l’Elan profite d’un Cx de 0,30. Une ligne vraiment très lisse, ce petit galet n’a pas pris une ride !
Les premiers exemplaires de la Lotus Elan M100, dites S1, sortent d’usines en 1989. Malheureusement pour l’Anglaise, son lancement arrive en même temps qu’une récession économique. Lancée en grande pompe, la Lotus se plante lamentablement dès les premiers mois de sa commercialisation. Prévus initialement à 3000 exemplaires/an, les puristes et les amateurs ne suivent pas. Les raisons ? Je vous ai déjà donné le premier : le passage de la propulsion à la traction. Puis son prix très élevé.
Il semble que GM et Lotus, ont oublié un dernier détail : c’est une Lotus pas une Peugeot 205 GTI. Comme on l’a dit, cette pauvre petite Lotus Elan est bourrée de qualité. Elle affiche un respectable 0 à 100 km/h en 7sec et une vitesse de pointe à 220 km/h. La presse salue la voiture, car elle est diabolique à mener. Le comportement routier de la Lotus est précis et agréable à conduire, malgré sa traction (oui on en remet une couche). Malheureusement, les ventes plongent…
Une aventure en Italie
Non elle ne va être populaire en Italie, mais fasse au fiasco de l’Elan M100, General Motors se débarrasse du canard boiteux. Les résultats commerciaux ne sont pas à la hauteur des attentes de la direction américaine. La marque est ainsi revendue contre un mars et le réservoir plein à Romano Artioli et sa société ACBN Holdings, propriétaire de Bugatti. Avec le rachat de la société anglaise, il reste 800 châssis et moteurs, qui se transforme en …
Elan S2, histoire de vite se débarrasser du roadster et de faire rentrer de l’argent frais. Entre 1994 et 1995, les derniers 800 exemplaires sont construits avant de disparaitre définitivement. Profitant de la fin de la fabrication de la Lotus Elan M100, Artioli remet de l’ordre chez Lotus et met en route le projet du remplacement de l’Elan, avec une certaine Lotus Elise.
La carrière de la Lotus Elan M100 ne prend pas fin en 1995. ACBN Holdings ruiné, revend Lotus au constructeur malaisien Proton, qui termine le développement de l’Elise. Proton en profite pour revendre la licence de l’Elan M100 au coréen Kia. Il commercialise le roadster sous le nom de … Kia Elan (j’imagine le brainstorming, fatiguant pour la renommée). Le moteur Isuzu n’est pas retenu et c’est un 4 cylindres maison de 1.8L atmo de 136ch qui le remplace sous le capot. La Lotus Elan M100 s’écoule à 3855 exemplaires en version S1. Soit un total de 4655 exemplaires incluant les 800 véhicules de l’ère Artioli et 300 exemplaires conduite à gauche pour l’Europe. De plus, il faut rajouter 1000 exemplaires supplémentaires pour la version Kia.
L’Avis des Cylindres :
Si on fait abstraction de la traction et de la volonté de GM d’en faire une sportive façon GTI, la Lotus Elan M100 est une vraie Lotus ! Sportive et légère, elle ne renie pas la philosophie « Light Is Right » de son fondateur. Aussi mignonne que performante, l’Elan est une voiture qui fait rentrer de manière maladroite, Lotus dans la grande série. Heureusement, l’Elise ne commettra pas les mêmes erreurs. L’Anglaise est une voiture atypique dans la gamme Lotus et terriblement attachante et attirante.
L’avantage de l’Elan, c’est son moteur fiable malgré un défaut de carburation et un freinage pas toujours à la hauteur. Pour le reste, on devra ignorer la qualité de finition indigne de sa catégorie. Enfin pour clôturer l’article, les pièces de carrosserie sont rares : gare à leur remplacement.
Pour finir, la Lotus est certainement l’une des moins chères, la faute à son tout à l’avant. Un exemplaire de 1991 ou 1992 avec 90 000 kilomètres, avec quelques petits travaux, réclame 14 000€. Un très bel exemplaire avec moins de 65 000 km se négocie dès 25 000€. Une auto qu’il faut urgemment redécouvrir !
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