Loin d’être aussi mythique que sa grande sœur — une certaine Citroën 2CV —, la Citroën LN arrive sur le marché dans la foulée du rachat par Peugeot. Minuscule, la petite française est probablement bien plus qu’une Peugeot 104 avec un logo Citroën. Désormais oubliée dans le monde de la collection, la petite citadine a été présente dans nos villes et nos villages. Petit souvenir d’une auto qui a été dans notre paysage si discrète qu’on l’a oubliée.
Une promesse non tenue
Peugeot, sous la pression de l’État français, rachète Citroën en 1976, au nez et à la barbe du puissant Avvocato, Giovanni Agnelli et de la Fiat, alors que les discussions avaient commencé deux ans plus tôt entre Peugeot et Michelin, propriétaire alors de Citroën. Le constructeur franc-comtois promet que la marque aux chevrons continuera de concevoir des autos originales (ce ne sera pas vraiment le cas). L’un des premiers chantiers majeurs de la marque Citroën est de renouveler son offre d’entrée de gamme. Oui, le projet Y est en route et celui de la Visa reprend, malgré les doutes des équipes du Quai de Javel. En attendant une nouvelle citadine, les chevrons comptent sur la 2CV qui prend de la bouteille sans oublier la Dyane et dans une moindre mesure la GS.
Il faut se remettre dans la situation. En 1976, un événement a lieu pour le Lion : la barre des 10 millions de voitures produites est passé, et la marque s’offre Citroën. Coup de chance pour le constructeur français qui s’offre la très technologique marque Citroën (voire Citroën CX). Avec cette acquisition, Peugeot devient un acteur puissant de la filière automobile en Europe. D’ailleurs, c’est l’année de la création du groupe PSA Peugeot-Citroën (en lieu et place de Peugeot Société Anonyme). En grossissant de la sorte, le groupe peut enfin s’attaquer de front à la puissante Régie Nationale Renault soutenue par l’État. Deux ans plus tard, PSA aspire le groupe Chrysler Europe (constitué de Roots mais aussi de Simca, qui deviendra Talbot).
Par flemme — ou plutôt par investissement minimum car il y a feu au lac —, Peugeot dévoile la première Citroën de l’ère PSA : la Citroën LN. La petite Peugeot 104 a donc enfin une petite sœur, en attendant la Samba. Pour la promesse d’originalité ? Ah, on avait promis quelque chose ? Les clients de la marque, souvent passionnés par l’image d’Épinal des chevrons, sont désappointés. Que va devenir la marque, maintenant que Peugeot a mis la main dessus ? Une certaine hostilité vis-à-vis du Citroën par Peugeot se met alors en place.
La première Citroën de l’ère Peugeot… ou plutôt PSA Peugeot-Citroën
Pour la plupart des Citroënistes, la Citroën LN est une bonne idée sur le papier. Mais dans la réalité, rien ne se passe comme prévu. La pauvre citadine devient l’enfant illégitime et non désiré. Première voiture née en commun avec Peugeot, la LN est loin d’être dans l’esprit Citroën. Elle n’est pas du tout innovante, ni très technique — la 104 ayant déjà quatre ans au compteur —, ni à part sur le marché. La caisse provient d’une Peugeot 104 Z, et le reste provient de la gamme Citroën se greffant pour un résultat presque hasardeux. La naissance de la Citroën LN hésite entre le Do It Yourself (« Faites-le vous-même », en anglais) et la brocante du dimanche matin. Par mesure d’économie et de rationalisation, la face avant reprend le regard de la Citroën Dyane/Méhari mais aussi d’autres éléments Citroën.
Pas très moderne, la Citroën LN arrive néanmoins sur le marché avec le millésime 1977 (septembre 1976, pour être précis) et va se faire exploser très rapidement par la Renault 5, reine du marché, la Peugeot 104, sa jumelle, et dans une moindre mesure par la Renault 4. Avec elle, Peugeot et Citroën rationalisent les pièces afin de faire cause commune et des économies. Pour se démarquer de sa soeur, la LN abandonne les clignotants dans le pare-chocs pour une position verticale contre les feux. La petite Citroën se passe au passage de tout élément chromé pour des baguettes noires, prolongées dans les pare-chocs. Pour faire moderne ou faire comprendre qu’elle se place sous la 104, l’entourage du vitrage se passe également de chrome pour un entourage noir. La Peugeot 104, quant à elle, a le droit à un entourage de couleur carrosserie ou de chrome pour les versions hautes).
La Citroën LN, la drag queen de Citroën
Difficile de cacher son origine avec sa ligne carrée en dépit de la tonne de maquillage appliquée par Peugeot. La Citroën LN est une voiture entrée de gamme, malgré la provenance de divers éléments des autres modèles de la gamme. Toutefois, l’accueil se fait glacial de la part du public et des journalistes. Certains journalistes ne mâchent pas leurs mots la concernant. Peugeot sacrifie Citroën sur l’autel de la standardisation, même Rasputine était plus sympa ! Le message est clair : Peugeot dirige, et Citroën applique.
Pour séduire malgré une plastique peu avenante, la LN mise tout d’abord sur un prix canon : 5 000 F de moins que la Peugeot 104, ainsi qu’une consommation sous les 6l/100 et une banquette arrière fractionnable 50/50 (bien avant la Renault Twingo et la Citroën C2). Concernant la sellerie, c’est carrément de la mesquinerie (!) : si Peugeot en propose plusieurs selon les finitions, la LN dispose d’un unique tissu à motif pied-de-poule gris et noir qui égaye l’intérieur… d’une manière bien triste. L’on notera que lors des deux dernières années de commercialisation, la banquette deviendra un seul bloc. Pour le reste, l’habitacle mise plus sur un esprit Citroën. On retrouve un volant monobranche, les commodos de 2CV, une sangle en guise de poignées, les vibrations du moteur Boxer Citroën ou encore le levier de vitesse au plancher à 4 rapports équipé d’une boule noire en clin d’œil à deudeuche provenant de la Citroën GS. Pour le reste, on retrouve le mobilier de la sochalienne. De toute façon, l’affaire est pliée : c’est un clone de 104, et rien ne lui sera épargné.
Si la voiture se veut moderne, certains choix démontrent une certaine mesquinerie qui va lui être opposée à la Peugeot 104, mais surtout face à la Renault 5. C’est là une pingrerie qui sera revue par la suite mais dont les premiers exemplaires vont en souffrir comme l’absence d’appuie-tête ou du pré-équipement radio. Sous le capot, on retrouve le bicylindre de 32ch de la 2CV. Si sous une 2CV, c’est sympa, dans la LN, le bloc moteur fait vieillot, surtout face encore une fois à la 104 et la R5 qui s’équipent de blocs 4 cylindres bien plus puissants.
La Citroën LN profite du bicylindres
Pour se différencier de la Peugeot 104, les ingénieurs Citroën ont eu carte blanche pour la motorisation. Enfin, si ce choix se compose du bicylindre de la 2CV ou du bicylindre de la 2CV. Afin d’en faire une vraie Citroën qui pétarde, il a fallu réussir à adapter le petit bloc maison à la berline. De base, la 104 reprend des blocs transversaux alors que le deux cylindres Citroën à plat refroidi par air ne l’est pas, ce qui implique d’adapter le train avant. Un nouveau berceau prend place pour accueillir sans trop de modification le petit bicylindre Citroën. De base, le petit 602 cm3 n’offre qu’une puissance comprise entre 28 et 29ch, suffisant sur une 2CV ou une Dyane, mais pas sur une LN. Les ingénieurs le retravaillent légèrement afin d’obtenir un gain de puissance, le faisant passer à 32ch, à 5 650 tr/min et 41Nm (contre 39). Rien de décoiffant, mais assez pour que la mère Michel puisse chercher son chat.
Comment se tirer une balle dans le pied ? Voici un tuto simple : vous êtes client, vous allez chez votre concessionnaire préféré Citroën puis vous allez chez Peugeot. Vous vous rendez compte que la LN et la 104 sont les mêmes voitures, sauf que la 104 est plus moderne que la LN et que son 4 cylindres est plus performant. Vous commandez la Renault 5. FIN. Une situation qui n’aide en rien la vie commerciale de la petite Citroën.
Pourtant, la petite « Citron » a des arguments à faire valoir, comme ses dimensions idéales en ville. Tout comme la Peugeot 104 Z, elle affiche une longueur riquiqui de 3,38 m pour 4 places (avec un empattement de 2,23 m) et seulement 1,54 m de large pour 1,37 m de haut. Le plus intéressant : son poids à 706 kg, lui assurant un appétit d’oiseau (5,9l/100 km). Le coffre annonce pour sa part 215 dm3, soit assez pour livrer à Bébert les lapins pour le repas dominical. De plus, sa modularité est remarquable avec ses deux sièges indépendants à l’arrière qui lui permet d’obtenir 550dm3, une fois rabattue. Avec ses petites roues trop mignonne de 13 pouces, la vitesse max de la Hélène tombe à 120 km/h.
Rat des villes, rat des champs
En 2015, je publiais un article sobrement nommé « Rat des villes, rat des champs » à son sujet, puisque la clientèle visée par Citroën est exclusivement urbaine et péri-urbaine. Toutefois, c’est à la campagne que le petite Citroën va connaitre le succès. Petite, pratique et économique, c’est donc dans nos champs, nos campagnes et nos petits villages que la LN fait recette. Entre le poulet du dimanche, les patates et le gros rouge qui tâche, je me rappelle de cette citadine qui rendait bien des services dans la famille entre Fessenheim, les vignobles alsaciens et les Vosges. Une petite voiture bordeaux qui aura bien rendu service à notre famille. Elle a même servi pour ouvrir les convois agricoles, en finissant parfois sa carrière comme poulailler.
Si ma tante a conservé aussi longtemps sa petite LN, c’est parce qu’elle a transportée moult volailles, courses et autres bois de cheminée. Avec son bicylindre à plat, elle s’est transformée pour une certaine France rurale en mythique deudeuche, sans le charme romantique de son aînée. Finalement, la LN, puis la LNA, ont été des besogneuses et des icônes discrètes de nos campagnes. La LN vendue contre seulement 17 500 F (11 192 € de actuels), elle profite d’une bonne fiabilité et surtout d’une simplicité d’entretien dont peu de voitures peuvent se vanter. Ajoutons que la liste des options n’est pas non plus très exhaustive, avec principalement les ceintures de sécurité à enrouleurs, l’embrayage centrifuge, la lunette arrière dégivrante ou encore la peinture.
Et Hélène devint Helena
À la fin de l’année 1978, c’est-à-dire le millésime 1979, la Citroën LN évolue en LNA — presque comme un Pokémon. Nicolas Laperruque nous l’assure avec Laurent Lambert, ce que l’on croit n’est pas toujours vrai ! Plusieurs sources s’accordent autour de la signification de la lettre A : Athlétique, Allumage électronique intégral et surtout Amélioration. Tout cela semble être des suppositions et une légende. En réalité, rien n’évolue pour la petite Citroën LNA. Enfin si, la principale amélioration se passe sous le capot avec l’adoption du bloc moteur de la Citroën Visa. Car pour le reste rien ne change, même l’arrivée du pré-équipement pour la radio. Radins.
La principale nouveauté tient donc à son moteur boxer qui développe désormais 34,5ch avec 47 Nm. Enfin… presque ! Car dans l’esprit Citroën, la véritable innovation de la LNA reste l’adoption du premier système d’allumage électronique qui révolutionne la vie des conducteurs : une première mondiale pour la LNA et la Visa. Au passage, la V/max atteint 126 km/h, une hausse de 6 km/h et seulement 5,2l au 100 km ! Pratique sur les petites routes de campagnes pour arriver plus vite à l’apéro. Pour le reste, un jonc en caoutchouc noir apparaît sur les pare-chocs et des enjoliveurs chromés, faisant écho aux restes de la gamme, s’ajoutent. La fin de l’année 1980 marque l’arrivée du compteur kilométrique journalier, du rétroviseur intérieur jour/nuit et la lunette arrière dégivrante de série en 1981.
La Citroën LNA, en fin de carrière, s’offre même le luxe d’avoir le 4 cylindres 1,1l de 50ch de la Visa. La puissance propulse la petite citadine dès 5 500 tr/min avec 86 Nm. Surtout pour les plus sportifs, la LNA peut atteindre la vitesse folle de 140 km/h. Pour le reste, la consommation baisse à 4,7l/100 km. Avec le bloc de la Visa, le poids grimpe à 750 kg.
Véritable innovation dans le monde de l’automobile, l’Allumage électronique intégral est un dispositif qui se passe d’élément en rotation et/ou de frottement, supprime les vis platinées, supprime les étapes de contrôle, de réglage ou encore de maintenance des pièces. L’avantage du procédé permet une baisse de la consommation contre une hausse des performances et un agrément de conduite. Servant de laboratoire, les premiers clients de la Citroën LNA servent de cobayes.
L’évolution de la gamme
La Citroën Visa va faire beaucoup de mal à la Citroën LNA, apparue en 1978. La nouvelle citadine a pour elle cinq portes, que n’a pas la LNA. En 1982, la gamme de l’Helena s’adapte à celle de la Visa avec la version Club équipée d’une décoration latérale, d’une nouvelle sellerie beige, de tapis de sol marron complètement 80’s, des appuie-têtes et, comble du luxe, le droit à un pré-équipement radio. Pour le millésime 1983, la LNA profite d’un restylage… invisible. Tout d’abord, le boxer disparaît, remplacé par le moteur 4 cylindres. Les optiques arrières sont modernisées avec l’intégration du feu de recul. Les boucliers métalliques profitent d’un film plastifié avec des embouts en plastique. Un insert noir en plastique habille le montant de custode (montant C). Des nouvelles baguettes latérales plus larges prennent place sur les flancs.
À bord, les plastiques sont améliorés, à défaut d’un nouveau mobilier. Pour plus de gaieté, il est possible d’opter pour un mobilier noir, marron ou bleu. La console centrale est également nouvelle avec un volant à la jante redessiné pour une meilleure prise en main. Les sièges ont le droit à un nouveau rembourrage et les appuie-têtes rejoignent la liste des options. Avec son facelift de fin de carrière, la LNA revoit sa gamme à l’image de la Visa avec deux finitions : E et RE. Cette dernière est principalement reconnaissable par ses jantes et son essuie-glace arrière.
La version 11 RE s’ajoute au catalogue avec un nouveau dessin de jantes. Pour monter un peu en gamme, la marque met sur le marché la LNA Cannelle. Si elle sent bon la pâtisserie, la série limitée met l’accent sur le luxe, à l’image de la Renault 5 TX. La Citroën LNA Cannelle n’existe qu’en 2 000 exemplaires en étant dérivée de la 11 RE.
Une fin de carrière, aussi discrète que sa carrière
Si en ville notre duo LN et LNA a été discret commercialement parlant, il a eu sa petite popularité à la campagne. Surtout, les années 1980 n’ont pas été les plus tendres avec le duo. Chez Citroën tout d’abord, la Visa lui pique des ventes, mais surtout la concurrence s’étoffe. Chez Peugeot, la 104 est enterrée au profit de la Peugeot 205 et surtout la suprématie de la Renault 5 n’a pas de fin, surtout depuis l’arrivée de la 5 portes. De l’autre côté, la Ford Fiesta, la Fiat Uno ou encore la Supercinq et la Corsa arrivent. Le coup de grâce arrive en 1986 avec la commercialisation de la Citroën AX. Après une dernière fournée à l’équipement de série enrichi, les Citroën LNA et LN s’écoulent à 353 383 exemplaires répartis comme qui suit : la Citroën LN représente 129 611 unités et la LNA 223 772 unités.
Vous l’aurez compris, on est loin du flop qui lui colle à la peau. Très loin tout de même de la Renault 5, la LNA a du cohabiter avec la Visa mais a aussi coulé d’une certaine manière par… Peugeot, dès sa naissance. Aujourd’hui, le duo LN et LNA a disparu de nos routes, la faute à la rouille mais aussi aux différentes primes à la casse, dans l’indifférence des services qu’il nous a fièrement rendus. À la campagne, c’est encore différent. Pour paraphraser une certaine citation : « Elle est là, dans nos champs, dans nos granges et nos cœurs ». Car oui, qu’on le veuille ou non, les Citroën LN et LNA sont comme un souvenirs d’enfance, entre les pots de confitures de mamie, le poulet du dimanche, Texas Ranger le dimanche après-midi sur TF1, le tonton bourré débutant du programme de Jacques Chirac et donc la Citroën LN au fond de la grande de ma tante.
L’Avis des Cylindres :
Marre de la Renault 5 ? (Non.) Il faut alors redécouvrir d’urgence ce bout de France. Les Citroën LN et LNA méritent bien plus que l’ombre de sa discrète carrosserie de Peugeot 104. Comme toujours avec cette génération de voiture, attention à la rouille qui grignote de partout la carrosserie, les ailes, le tablier mais aussi le plancher. Certaines pièces se font rares, tandis que certaines, partagées entre la mythique 2CV et la Dyane, sont facilement accessibles.
Pour collectionner la LN et la LNA, on misera sur les séries limitées comme la Canelle ou la Prisunic, encore plus limitée avec 600 exemplaires. Les populaires deviennent recherchées sur le marché de la collection comme la R4, la R5, la Peugeot 205 ou encore la Samba. Alors, pourquoi ne pas miser sur la LN et la LNA ? Pour les tarifs, une Citroën LN demande 1 000 à 4 500 € (selon l’état) tandis que la LNA demande entre 750 et 2 000 €. Pour ces qui veulent savoir, la LN de ma tante a quitté la grange… pour la casse.
GALERIE
VIDEO
Via Citroën, Le Dauphiné/Nicolas Laperruque, LN/A Visa Club de France
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