Il y a parfois de bonnes idées, des innovations ou encore un style qui font qu’une voiture devienne une bonne idée. Cependant, il suffit d’un élément, d’une ligne mal placée ou encore d’un placement flou pour qu’elle se transforme en flop et en une erreur qui coûte (très) cher à son constructeur. Fade ou tout simplement avec un marketing pas judicieux, la carrière d’une voiture peut facilement prendre l’eau et rejoindre le Titanic et le Multipla dans les pires naufrages de l’histoire. Aux Etats-Unis, dans le même style de naufrage, il y a la Cadillac Cimarron. Une carrière en dent de scie.
General Motors à la recherche d’économies
Après les chocs pétroliers de 1973 et 1979, l’industrie automobile doit s’adapter à la demande des consommateurs pour des voitures plus légères, moins grandes et surtout moins énergivores. Cadillac et sa maison-mère vont tout mettre en œuvre pour proposer une voiture moderne, haut de gamme et surtout plus économique et plus petite que les paquebots habituels de la firme. Au début des années 1980, General Motors dévoile sa nouvelle plate-forme mondiale : la J-Car. Cette dernière doit répondre aux besoins des différentes marques du groupe aux quatre coins du monde, sans faire de doublon. La plate-forme permet de concevoir des berlines compactes de 4,40m de long, pour un poids relativement léger de 1 200 kg. De plus, la motorisation 4 cylindres doit consommer moins de 10 litres aux 100 kilomètres.
Cette recette unique (et technique) permet en seulement quelques mois de renouveler l’entrée de gamme de toutes les marque du groupe : Holden en Australie, Opel Ascona C/Vauxhall Cavalier en Europe, et Chevrolet Cavalier ou encore Pontiac J-2000 en Amérique. L’année 1981 est riche en berlines du côté de Détroit. Malgré un programme très complet, il manque un véhicule plus haut de gamme qui rajoute de la valeur ajouté à la plate-forme. Dans la recherche des économies, General Motors semble plutôt satisfait de sa recette, mais les dirigeants demandent désormais à Cadillac de concevoir son petit modèle haut de gamme, car une autre menace se profile aux États-Unis.
Après le choc pétrolier, les Allemands
Avec les différentes crises pétrolières, le marché automobile américain tremble et vacille. Les immenses paquebots de la route prennent l’eau avec leurs consommations gargantuesques et leurs dimensions. Il se trouve que les clients américains se détournent des marques américaines pour les constructeurs européens comme BMW, Audi ou encore Mercedes-Benz. Les Séries 3, Audi Fox (notre Audi 80) ou encore la Type 123 se vendent comme des petits pains grâce à leur lignes et surtout leur motorisations bien plus raisonnables. Le succès des berlines compactes européennes aux USA agace General Motors : il faut réagir avec une voiture haut de gamme qui offre les mêmes prestations mais avec un enrobage américain pour éviter la fuite des clients vers le tout européen et mettre un terme le plus rapidement possible à l’arrivée des marques européennes et surtout la prolifération des Allemandes. Même si au départ le groupe de Détroit s’y oppose, il va falloir réagir et approuver une telle offre dans le catalogue de la marque.
De toute manière, le berline Seville, déjà plus petite, connaît un certain succès sur son marché national et pousse le feu vert pour construire une berline encore plus compacte. Le public semble vouloir abandonner les grosses berlines au profit de voitures plus raisonnables. Le feu vert est donné et, comme toujours avec GM, c’est le festival du grand n’importe quoi qui va encore aller dans tous les sens. Dès la fin des années 1970, le puissant groupe réalise des enquêtes auprès de ses clients et particulièrement des propriétaires d’une Seville. Ces derniers recherchent une berline plus petite sans vouloir partir chez les constructeurs étrangers. Ils veulent une compacte Made In USA. Après un temps de réflexion, les dirigeants de GM décident que Cadillac doit aussi avoir sa berline compacte, aux standards des marques européennes. De toute manière, il n’y a guère le choix désormais, les Big Three perdent des clients qui passent à l’ennemi.
La Cadillac Cimarron, une conception éclair !
En 1980, GM commence les études autour de la Cadillac Cimarron. Son développement va être aussi rapide que l’éclair ! Pour réduire les coûts au maximum et arriver rapidement sur le marché avec son offre, l’américain ne s’embête pas : il reprend la carrosserie monocoque de la Chevrolet Cavalier, modifie la face avant et arrière pour donner l’illusion d’une Cadillac et… c’est envoyé chez les concessionnaires ! Ed Kennard, alors directeur général de Cadillac, demande l’autorisation au groupe d’incorporer la plate-forme J dans le programme Cadillac pour sa berline. La plateforme est prête depuis 1976, et n’offre pas vraiment de liberté à Cadillac qui finalement réutilise la Chevrolet citée plus haut. Le résultat donne une berline 4 portes et 5 places aux dimensions presque inconnues pour la marque avec 4,42m de long pour 2,57m d’empattement.
Initialement prévue pour une commercialisation au milieu des années 1980, l’hémorragie est telle que la berline est dévoilée dès le mois de mai 1981, grillant la priorité à toutes ses cousines, plus modestes. Les clients n’ont pas le temps de s’habituer à la nouvelle Cadillac Cimarron que les cousines débarquent : Buick Skyhawk, Chevrolet Cavalier, Pontiac Sunbird et Oldsmobile Firenza, entre autres. Un lancement précipité brouille les clients avec les origines peu bourgeoises de la Cadillac et qui fait aussi bien vriller les amateurs de Cadillac que les cadres de GM.
De toute manière, la Cimarron n’a qu’un objectif chez GM : mettre en application les nouvelles normes antipollution et faire baisser la consommation de carburant. Au début des années 1980, le gouvernement américain met en place une loi sur les réductions des polluants et de la consommation que GM doit respecter. La Cadillac Cimarron arrive sur le marché avec le millésime 1982. D’ailleurs, pas très fière de sa création, Cadillac s’en détache avec une appellation des bancales par « Cimarron by Cadillac ». Toutefois, ce n’est pas une première chez le constructeur haut de gamme, car la Seville connaît le même sort. Pour réduire la conception et les coûts, la base provient d’une Chevrolet Cavalier pour laquelle le constructeur modifie la face avant avec une calandre typique de la marque et une face arrière différente pour la coller au style Cadillac, sans trop d’efforts. On parle de General Motors tout de même, 1 dollar est 1 dollar.
La Cimarron by Cadillac, une compacte pas trop Cadillac
Chez Cadillac, on a eu du mal a se décider autour du patronyme de la Cimarron au point où une liste se négocie entre les cadres. Finalement, lors de son arrivée sur le marché, la berline de 4,42m surprend par… l’absence de logo Cadillac ! Seul un logo à l’arrière la certifie comme une Cadillac, ou plutôt comme une « par Cadillac », histoire que si ça plante on peut s’en laver les mains. Toutefois, pour l’intérieur, la direction de Cadillac veut tout de même un certain standing. Le mobilier se revêt de cuir ou de skai (selon la finition) et de bois précieux, avec des touches d’aluminium sur le tableau de bord ou encore un volant trois branches plutôt sportif. Du côté de l’équipement, la liste se montre longue et à la hauteur de la concurrence allemandes : climatisation, tachymètres, lumière de courtoisie, essuies-glaces intermittents, désembueur arrière ou encore les rétroviseurs électriques.
Du côté des options, il y a du choix : transmission automatique, régulateur de vitesse, vitres électriques, volant réglable, ouverture des portes à distance, sièges avant à réglages électriques… Typiquement américain, les clients regrettent un SEUL oubli à bord de la berline américaine, un vrai drame à l’américaine : l’absence du porte-gobelet. L’American way of life… À l’extérieur, la Cadillac Cimarron propose en option un toit panoramique ouvrant Astroroof ainsi que des jantes alliage et un système de remorquage (barre, raccords et même l’éclairage).
Pour le reste, Cadillac ne fait aucun effort : les « gros flemmards » ne poussent pas plus loin la différenciation avec la Chevrolet. Car sous le capot, c’est une gifle pour tout amateur de la marque. La Cimarron se contente d’un quatre cylindres transversal en ligne de 1,8l de 85ch, accompagné d’une boîte manuelle à quatre rapports. Asthmatique, il ne va pas être l’argument principal de la berline. En option, la Cimarron propose une boîte automatique à 3 rapports. En concession, les vendeurs s’arrachent les cheveux car la direction demande de rectifier les clients qui parlent de la Cadillac Cimarron. Objectivement parlant, GM mise sur 75 000 exemplaires par an. Les débuts sont pas trop mal (ou moins pire) avec 25 968 exemplaires qui ont trouvé preneur en 1981.
L’Évolution de la Cimarron by Cadillac en Cadillac Cimarron
En 1983, face à la débâcle commerciale de la Cimarron, Cadillac abandonne la nomenclature « Cimarron by Cadillac » pour Cadillac Cimarron avec l’apparition des logos Cadillac sur la carrosserie de la berline. La Cimarron ne rejoint officiellement le catalogue de la marque qu’en 1984. La communication de la berline tourne au ridicule avec pour slogan « Une nouvelle Cadillac pour de nouveaux propriétaires de Cadillac ». La marque essaie tout de même de mettre en avant les équipements de série inédits pour la catégorie et une tenue de route supérieure aux premiums européens (sans omettre les Volvo GL et Saab 900). Une nouvelle finition haut de gamme apparait, la Oro. Dans cette finition, la berline se reconnaît à sa teinte bronze et ses liserés dorés.
Dans le même temps, pour répondre aux critiques sur la motorisation, Cadillac voit sa puissance augmenter de 2ch avec l’ajout d’un moteur de 2,0l. Malheureusement, le mal est fait et les ventes s’effondrent : seuls 19 294 Cimarron se vendent. Avec l’intégration à la gamme Cadillac, les ventes remontent légèrement en 1984, avec 21 898 exemplaires. La marque réagit avec un restylage qui ne sauvera pas les meubles… En 1985, la Cadillac passe au bistouri et gagne 10 cm en longueur. Les designers redessinent la calandre, les pare-chocs, le capot moteur, les feux arrière qui débordent sur les ailes arrière et les roues 14 pouces qui deviennent standards. L’intérieur s’améliore également. Le constructeur ne s’arrête pas là et retravaille le châssis pour rester à la hauteur des européens. L’année suivante, les feux arrière sont à nouveau modifiés. Pour conserver son statut haut de gamme, la Cadillac reçoit en option un système audio Delco-Bose. Enfin, en 1987, la Cimarron voit ses optiques avant recevoir des phares à lente composite, une première sur le segment et des J-Car de GM.
Vu que la diva du dancing n’a rien dans le ventre et pour faire taire les mauvaise langues, GM et Cadillac réagissent en la dotant d’une motorisation V6 plus puissante. La gamme est chapeautée par un bloc de 2,8l pour 131ch. Dans la même veine, l’habitacle connaît des améliorations avec un assemblage plus rigoureux. Il est trop tard, et la Cadillac Cimarron coule au fond des classements des ventes, très loin derrière les vilaines teutonnes. La berline passe sous la barre des 20 000 unités en 1985. En 1986, la Cimarron connaît un regain d’intérêt en repassant la barre des 20 000 exemplaires pour 24 535 unités.
Une fin de carrière compliquée
L’arrivée de John Grettenberger à la tête de Cadillac met un terme à la berline, qu’il juge indigne du blason Cadillac. La Cimarron termine sa carrière au fond de la classe et dans l’ombre du reste de la gamme. En 1987, la berline passe sous la barre des 15 000 exemplaires et le millésime 1988 sera le dernier. Du coup, on simplifie la gamme avec l’unique moteur V6 au programme et c’est uniquement 6 454 exemplaires qui s’écoulent. La Cimarron disparaît dans les tréfonds de l’histoire après 132 499 exemplaires et n’aura pas de descendance… avant l’avènement de la BLS en 2006, qui ne fera pas mieux. Même si au final en sept ans de carrière, les ventes en dents de scie ne sont pas ridicules que ça.
L’un des principaux défauts de l’américaine reste son prix très élevé par rapport à sa jumelle. La Cadillac réclame près de 50 % de plus que la Chevrolet Cavalier à équipements similaires. Néanmoins, saluons la performance de la petite Cadillac qui a permis d’attirer une nouvelle clientèle, la plupart n’ayant jamais acheté de Cadillac auparavant. De plus, notre berline a tout de même fait du volume selon les années chez son constructeur, représentant presse 13 % des ventes en 1984.
L’Avis des Cylindres :
La Cadillac Cimarron n’a pas été importée par le réseau Cadillac Europe et il faudra faire un import direct d’Amérique du Nord. Donc… autant vous faire un top 5 des trucs improbables à son sujet :
1. Elle est la plus petite berline de la marque depuis 1909.
2. Elle est la première berline dotée d’un 4 cylindres depuis 1914.
3. C’est la première Cadillac depuis 1953 avec une boîte mécanique.
4. En verlan, Cimarron se prononce MARONSUI’S comme les yaourts.
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Via Vroom.be, Wikipédia
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