Site icon Les Cylindres

Citroën Méhari : Le plastique c’est fantastique (1968-1987)

Citroën Méhari

Citroën a décidément le chic de présenter ses nouveaux modèles quand c’est le bordel dans le monde. Le lancement de la Citroën Méhari en mai 1968, n’y échappe pas. La colère gronde dans les rues de Paris, mais à Deauville la marque dévoile une drôle de voiture. Cette dernière tout en plastique repose sur la base de la Dyane 6. Il s’agit de l’iconique Citroën Dyane 6 Méhari de son complet.

Un dromadaire à Deauville

On est revenu à son sujet la semaine passée, car oui, la Citroën Méhari vient d’avoir 55 ans. Sa présentation se déroule le 16 mai 1968 sur la pelouse du golf de Deauville, en Normandie. La presse découvre huit Méhari (presque) toutes différents. Démontrant ainsi l’aspect caméléon de la voiture : utilitaire, voiture de plage, véhicules administratifs (gendarmerie et pompier), etc. Pour mettre toutes les chances de leur côté, la marque met les voitures en avant avec pas moins de 20 mannequins à la plastique parfaite. Si dans le collectif on retient surtout le patronyme Méhari, le nom complet de la nouvelle voiture est Dyane 6 Méhari.

Tandis que Méhari fait référence à l’animal à bosse du nord de l’Afrique, le dromadaire en arabe. L’animal étant connu pour le transport de marchandise, de vieille touriste anglaise à travers le désert et son côté économe. Au passage, la présentation de la Méhari est réalisée par Citroën Utilitaire et non Citroën Automobiles. En effet cette dernière, outre son aspect ludique, se montre astucieuse avec une charge utile qui atteint les 400kg quand la voiture ne pèse que 525kg à vide.

Un dessin simple, mais un charme fou

Des préséries sur base de 2Cv fourgonnette

Comme souvent avec les journées de lancement, il s’agit de véhicules de préséries. Les Méhari visibles à Deauville reposent en réalité sur le châssis des 2CV fourgonnette, dont on a greffé un moteur 602cm3 de 28ch de la Dyane 6. Les modèles de présérie assemblés en dernière minute sortent de l’atelier S.E.A.B pour être dans les temps. Il semble que les équipes de Citroën expliquent à qui veut l’entendre que la voiture a été conçue directement dans les bureaux du constructeur, évidement c’est faux. L’instigateur du projet, le Comte Roland de la Poype et sa société S.E.A.B, n’ont rien à voir avec le constructeur du quai de javel.

Avec la Citroën Méhari, le plastique c’est fantastique

La voiture va véritablement surprendre son monde par le matériau principal qui constitue sa carrosserie : le plastique. L’ensemble des éléments de carrosserie dans cette matière se montre comme une révolution ! Quand je vous parle de plastique, je parle plutôt de l’ABS, Acrylonitrile Butadiène Styrère, un plastique polymère thermoplastique qui offre une plus grande rigidité, résiste aux chocs. Il peut être moulé en grande série et surtout il a l’avantage d’être léger. De plus, l’ABS à permet de pouvoir se teinté dans la masse en permettant une large palette de couleurs. Autre avantage, en cas de rayure, la peinture ne s’enlève pas.

Outre sa plastique, la Citroën Méhari permet à ses occupants de profiter du paysage puisqu’elle est entièrement découvrable. La Méhari pousse le concept de la 2Cv encore plus loin, se passant de toute poutre de renfort au-dessus de la ceinture de caisse. Le pare-brise peut au passage se plier sur le capot moteur. Le propriétaire d’une Méhari peut nettoyer son intérieur au jet d’eau grâce à des écoulements, astucieux.

La place préférée de la Citroën Méhari ? Le bord de mer !

Comte Roland de la Poype : De l’avion de guerre à la voiture en plastique

L’instigateur derrière le projet de la Citroën Méhari se nomme Comte Roland de la Poype. En son temps, il fut le concepteur de la bouteille Dop, fondateur du Marineland d’Antibes et surtout pilote de chasse. Roland, né d’une famille de la noblesse française, rejoint l’armée et devient rapidement élève pilote à seulement 19 ans. Avec la Seconde Guerre Mondiale, il rejoint les forces françaises libres en Angleterre et pilote un Spitfire. Par la suite, il intègre le groupe de chasse Normandie-Niemen qui possède son siège en Union soviétique. À ses 27 ans, il quitte l’armée avec le grade de capitaine (après un passage éclair en Belgique et en Yougoslavie) et une réputation de pilote des airs. Très peu de Français possèdent cette compétence acquise durant la guerre.

Il crée ensuite la société S.E.A.B pour Société d’Études et d’Application des Brevets. L’objectif de sa société est de promouvoir les emballages plastiques. Son emballage le plus connu reste le célèbre berlingot Dop en 1952. Ce n’est qu’en 1967 qu’il imagine l’application de l’ABS pour une automobile complète. Avec l’aide du designer Jean-Louis Barrault, Roland imagine une voiture basique, mais économique qui vient se frotter à la Mini Moke.

A bord, la simplicité est de mise

Une voiture économique sur une base qui l’est autant

Les deux compères comprennent vite que concevoir une voiture coûte cher. Un troisième homme arrive dans l’histoire; Jean Darpin. Il souffle une idée simple et pragmatique : partir d’une base existante et surtout bon marché. L’attention va se porter sur deux voitures abordables : La Citroën 2CV et la Renault 4. Le choix va se faire sur la base d’une 2CV, le moteur refroidi par air permet plus de liberté. Premièrement, S.E.A.B sous-traite pour Citroën. Enfin, la société possède dans sa flotte une 2CV Fourgonnette, l’utilitaire va donc servir de base.

La voiture est imaginée comme un kit à monter soi-même, un peu comme la Talbot Wind. Tellement sur que Citroën va accepter l’idée, qu’un plan de commercialisation est monté. Le kit a même un nom : Donkey. Roland contacte Pierre Bercot, président de Citroën et l’invite à découvrir la voiture. Les concepteurs espèrent obtenir l’aval et le soutien de la marque. Finalement, Pierre Bercot séduit par le concept propose d’intégrer la voiture dans la gamme du constructeur.

Citroën et S.E.A.B signent un accord de production en 1967. Cependant, S.E.A.B doit construire dès le début de l’année 1968 pas moins de douze exemplaires de préséries. Citroën fournit rapidement les éléments et les châssis de 2CV Fourgonnette pour assembler le projet Donkey. Ainsi, pas moins de huit exemplaires se présentent à la presse ce 16 mai 1968, à Deauville.

Le service de communication de Citroën demande à Roland de ne pas venir au lancement de la Méhari (#friendzone). La marque veut absolument qu’on pense que la voiture soit un pur produit Citroën. En contrepartie, la voiture reste fabriquée directement chez S.E.A.B.

La Citroën Méhari prend son bain de foule à Paris

La voiture reçoit son homologation le 6 août 1968, la commercialisation et la production peuvent enfin commencer. Citroën lance l’assemblage des 2 500 premiers exemplaire au sein des ateliers de S.E.N.A.C (Société d’Exploitation Nouvelle d’Automobile et de Carrosserie). La petite Méhari va connaitre quelques menus changements entre les modèles de préséries et la version finale. La Citroën Méhari conserve ses clignotants sur les ailes arrière, entre les deux ailerons. Pour le reste, des élastiques servent à maintenir la capote, les feux arrière de la Dyane laissent la place à ceux de la fourgonnette. Les clignotants avant passe sur les ailes et non plus sous les phares. Le plus important, le moteur de 2Cv laisse sa place au moteur la Dyane forte de 33ch. Tandis que la boite de vitesse reste celle d’origine de la 2CV Fourgonnette.

L’intronisation de la petite Citroën se fait durant le Salon de Paris 1968. Pour le lancement, le client a le choix entre trois teintes : beige, rouge et vert. Côté version, une seule configuration à quatre places est proposée. De plus, en option, la banquette arrière peut se rabattre pour offrir plus d’espace à bord. Enfin, le pare-brise rabattable se retrouve aussi en option.

Un accueil glacial

Les premiers mois de commercialisation de la Méhari ne casse pas trois pattes à un canard. La petite Citroën ne s’écoule qu’à 837 exemplaires. Il faut relativiser les chiffres, car la voiture arrive en concession en fin d’année et que la majorité des exemplaires sont réservés aux concessionnaires. L’année 1969 confirme le succès de la voiture avec 12 624 ventes. La Citroën Méhari obtient le statut de voiture idéal pour le bord de mer et de voiture de résidence secondaire.

En 1970, la Méhari évolue pour suivre le rythme de production qui s’accélère. Pour simplifier l’assemblage, les clignotants migrent sous les feux avant et deviennent ronds. Les feux arrière proviennent désormais du HY et les clignotants délaissent les ailes pour l’arrière. Enfin, la plaque se déplace sur la porte du coffre. En 1972, les ailerons latéraux disparaissent, car ils ne protègent plus les clignotants.

Durant sa carrière, la Méhari fait l’impasse sur l’Allemagne qui refuse de l’homologuer. La voiture atteint son rythme de carrière en étant écoulée à plus de 10 000 exemplaires par an. En 1972, l’armée française, séduit par les qualités de la Citroën, passe une commande de 7 000 exemplaires. La Méhari remplace doucement la Jeep sur les missions routières. La gendarmerie va en faire de même. Deux plus tard, la Méhari passe le cap des 13 000 exemplaires produits par an.

La fin de carrière

À partir de 1975, les ventes chutent pour tomber à 9 000 exemplaires. Citroën réagit à l’été 1977 avec une calandre désormais démontable et des freins à disque à l’avant. La direction gagne également en souplesse et c’est à peu près tout. Les ventes ne remontent pas malgré les efforts. En 1979, marque l’apparition de la Méhari 4×4, issue des demandes de l’armée de terre. Cette dernière signe la fin de carrière de la Française. Sous le capot, la quatre roues motrices reprend le moteur 602cm3 de 29ch. Concernant cette version, nous y reviendrons plus tard.

À partir de 1982, les ventes s’effondrent et passent sous la barre des 4 000 exemplaires. Pour donner encore un peu d’intérêt à la voiture, Citroën dégaine les séries spéciales. La première version limitée est la Méhari Azur en 1983. Sa robe s’habille de blanc et les portières sont bleues. L’Espagne et le Portugal ont le droit à la version Méhari Plage qui ne rencontre pas le succès. Sentant la fin venir, les chiffres de ventes sont sans équivoque : en 1984, seuls 2 654 exemplaires trouvent preneurs et seulement 669 en 1986. La Méhari s’efface en 1987, après seulement 381 exemplaires. Après 19 ans de carrière et redoutant les nouvelles normes antipollution, la Méhari disparait après 144 953 exemplaires.

L’aventure américaine de la Citroen Méhari

En 1970, Citroën sent que les États-Unis ont un potentiel pour vendre la Méhari là-bas. Notamment en Californie. Sans trop de réflexion, la Méhari se voit adapter aux marchés US avec un premier passage en véhicule utilitaire, des feux avant plus gros et des feux de position latéraux. L’aventure ne dure qu’une année et la Méhari n’y rencontre pas le succès. Elle disparait chez l’oncle Sam en 1971.

L’Avis des Cylindres :

La Citroën Méhari est sans conteste un succès malgré le fait qu’elle soit privée de certains marchés et que la concurrence se soit étoffée. La Renault Rodéo n’arrivera pas à la cheville de la Citroën (et encore moins la Renault 4 Plein Air). Sa remplaçante viendra de la concurrence avec la Citroën Teilhol Tangara qui ne connaitra pas le même succès. Même la e-Méhari de 2016, plutôt bancale, ne lui arrivera pas à la cheville.

Pour la fiabilité, les motorisations Citroën n’ont rien à prouver. La carrosserie sera plus compliquée à réparer, voire, à remplacer. La Méhari bénéficie de l’expertise du Mehari Club Cassis pour les pièces et leur expertise.

Côté tarif, la Méhari n’est plus aussi abordable que par le passé. Un exemplaire qui nécessite une remise en état demande en moyenne 8 000€. Tandis que les plus beaux exemplaires se trouvent à partir de 19 000€. Une version Azur demande 23 000€. Enfin, la version Graal, la 4×4 plus que rare demande 35 000€ minimum.

GALERIE

VIDEO

Quitter la version mobile