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Renault Vel Satis : le naufrage de l’industrie française (2001-2009)

Renault Vel Satis

Voilà une voiture qu’on adore détester : la Renault Vel Satis. Celle qui a pris la suite de la sympathique, mais discrète Safrane (ou classique), va subir toutes les moqueries possibles. Outre son design atypique, la berline débarque en concession dans une période compliquée pour la marque au losange. Dans une volonté de se différencier du reste de la production automobile premium, la Vel Satis mise sur un volume bicorps très éloigné du style des berlines tricorps des marques premiums et de la Safrane. Surtout, la grande berline subit le retard de l’Avantime, brouillant les pistes.

Les années 1990 : une fin de décennie compliquée

Bien avant la création de la Renault Vel Satis, la situation chez Renault est délicate. En 1995, Jacques Cheinisse démissionne de son poste. L’homme qui dirige le service produit au sein du constructeur français claque la porte. En attendant un vrai remplacement, Patrick Le Quément et Rémi Deconinck assurent l’intérim. Entre les deux hommes, un véritable bras de fer va s’instaurer autour du développement de la Vel Satis, codé X73. Patrick Le Quément souhaite une véritable rupture esthétique pour la remplaçante de la Safrane. Tandis que Rémi Denconinck ne souhaite pas bouleverser outre mesure la formule.

La gestation de la berline va être des plus compliqués, chacun tirant en quelque sorte la couverture vers soi. Le Quément souhaite une voiture basse, mais esthétiquement forte en termes de design tandis que Denconinck souhaite une voiture plus haute. Louis Schweitzer, PD-G de la marque, n’arrive pas à départager les idées et valide presque toutes les demandes de nos deux hommes. Le Quément s’occupe également avec ses équipes du renouvellement de la berline Laguna. Dans les plans du constructeur, le projet X73, devait apparaitre avant la Laguna.

Face à tous les débats, la direction du groupe Renault inverse les programmes. La Laguna sortira en 2000, avant la Vel Satis, qui apparait en 2001. Pour faire patienter les potentiels clients et en même temps fêter le centenaire de la marque, Le Quément et ses équipes travaillent sur un second concept : la Vel Satis.

Le concept Initiale, la Vel Satis qu’on ne connaitra pas

Lors du Salon de Paris 1995, Renault dévoile le concept-car Initiale, posant les bases de la future Renault Vel Satis. Le concept affiche ainsi les ambitions de son constructeur sur le segment E. La marque souhaite démontrer son inventivité dans un segment conservateur et exprimer sa volonté de concevoir une berline différente des marques allemandes. On peut ainsi parler d’un haut de gamme à la française. Le concept rencontre un vif succès auprès du public. Il faut dire que son succès s’explique par ses lignes emprunte de modernité et de néo-rétro.

Conçut par Patrick Le Quément, le concept Initiale est dessiné par Florian Thiercelin tandis que l’intérieur est signé Fabio Filippini. Le losange se fait plus présent. La calandre s’écarte sur les côtés et les feux se font verticaux. Le capot et la calandre faisant un rappel des Renault des années 20-30. De plus, le style global évoque le look de la défunte marque Facel-Vega. De profil, la voiture s’annonce visuellement basse avec de belle surface vitrée. Une ligne principale encercle le véhicule. Enfin, l’arrière surprend par son montant C rebondi qui casse les lignes carrées de la malle. Le pare-brise en pointe se différencie des blocs optiques rectangulaire.

Un projet qui prend l’eau

En gros, c’est tellement le bordel au sein des équipes de Renault que le projet part dans tous les sens. Expliquant en quelque sorte pourquoi la version définitive ne correspond ni au concept Initiale ni au concept Vel Satis. Un beau bordel qui va donc couler l’aventure de la grande berline. Pour en savoir plus, je vous invite à lire l’excellent travail de Lignes Auto à son sujet. Les ingénieurs se servant des résultats d’études de la direction produits, pour concevoir la Renault Vel Satis. Les choix se tournent vers une berline haute, avec une architecture proche de l’Espace.

Une drôle d’idée qui rapproche donc la berline avec le grand frère de la gamme qui joue lui aussi sur le luxe. Mais les conflits d’intérêts continuent entre Le Quément et Deconinck. L’histoire aurait pu s’arrêter là. Le format berline basse est abandonné pour devenir une berline haute à l’instar de la quatrième génération de l’Espace. Le Quément avouera même qu’il savait l’affaire pliée d’avance ; entre la répartition des masses, l’arrière (trop) court, la caisse trop haute, et l’avant long allait handicapé la voiture. Quelques années plus tard, Seat importe ce concept sur le Toledo, sans succès.

La vraie force de la Renault Vel Satis reste son habitabilité… proche d’un Renault Espace

Le projet X73 devient la Renault Vel Satis

Lors du Salon de Genève 2001, Renault fait feu de tout bois avec sa nouvelle berline haut de gamme Vel Satis. Le début de la décennie 2000 commence sous les meilleurs auspices (FAUX!) L’Avantime sort avec des mois de retard, l’Espace IV qui se prépare, sans Matra tandis que Renault est accusé d’avoir fait couler ce dernier, et la Vel Satis fait grand bruit. Celle qui désigne Vélocité et Satisfaction fait couler beaucoup d’encre avec son design. Il faut avouer que le design de la berline n’est pas banal.

Le nom de la voiture brouille lui aussi les pistes, certes, il s’agit d’une contraction de deux mots, mais on peut aussi le traduire en latin comme « Aussi Satisfaisant » ou « Aussi Suffisant ». À deux doigts de nommer une voiture Koleos. Revenons à son style, la berline mise sur son habitabilité intérieure plutôt que l’aspect statutaire extérieur.

La Vel Satis sort d’une période des plus compliqués, les constructeurs généralistes sont en pertes de vitesse sur le segment E, Lancia dégaine la Thesis et son style clivant, la Peugeot 607 et ses problèmes de fiabilité et Citroën misent sur une berline néo-rétro, mais avec des erreurs de jeunesse qui plombe sa carrière. Opel dans une moindre mesure tente lui aussi la berline spacieuse avec la Signum. Heureusement pour la Vel Satis, le confort et la sécurité sont ses points fort avec 5 étoiles au test Euro NCAP3. La grande Renault n’est pas spécialement chère à son lancement avec un premier prix à 33 300€ (45 047€ de 2023). La version Initiale demandant 55 880€ (75 485€ actuels). Malgré des prix très bien placés, la diffusion de la berline va se limiter à l’administration française.

En 2005, c’est l’heure du repoudrage et… notons l’apparition des chromes pis’ c’est tout

Un début de carrière compliqué

Tradition française ou non, le début de carrière de la Renault Vel Satis n’augure rien de bon. Outre des ventes qui ne décollent pas, la berline subit des ennuis de mise au point avec de nombreux cas de soucis mécaniques et électroniques. La clientèle va aussi être désorientée avec la venue du premier (et dernier) coupé-space, l’Avantime. Brouillant les pistes sur les intentions de Renault. La communication Renault fait tout pour dissocier l’Avantime et la Vel Satis qui malgré deux philosophies différentes se marchent dessus.

Tandis que dès 2003, l’Avantime se vautre, la Vel Satis ne séduit pas et subit les moqueries par son physique peu gracieux. Alors que les Allemands, Jaguar ou encore Volvo s’écoulent comme des petits pains, la Renault Vel Satis comme les Thesis et C6 se retrouve comme les alternatives du premium. Sans y parvenir. La seule solution pour sauver le soldat Vel Satis, reste de la mettre en avant sur certains évènements. La berline tente d’exister à travers le Festival de Cannes, Renault étant partenaire de l’évènement. Au milieu des années 2000, la Vel Satis finit même comme voiture présidentielle pour Nicolas Sarkozy. Le reste de la carrière de la grande berline va se faire dans l’ombre.

Jusqu’à la fin, elle va voir l’hégémonie des Allemands s’imposer et Volvo se poser avec Alfa comme alternative, tandis que la C6 coule, la 607 disparait et la Thesis tente bien que mal d’exister. Finalement, parmi le lot d’échec, la Renault Vel Satis reste la seule qui s’en titre avec un peu moins de 62 201 exemplaires. Très loin de la Peugeot 607 et ses 200 000 exemplaires. Les autres dépassant douloureusement les 20 000 exemplaires. En 2005, la Vel Satis connait un petit restylage qui ne sauve pas le naufrage. La berline évolue en douceur avec un nouveau dessin interne des feux et un jonc chromé au-dessus des ouïes d’aérations. À l’intérieur, les compteurs noirs laissent la place à des compteurs blancs pour le reste c’est statu quo.

Sous le capot, un V6 !

La Renault Vel Satis ratisse large, on trouve du diesel (en grande majorité), mais aussi dues essences. La gamme va du 2,2l DCi diesel décliné en 115, 140 et 150ch et le 2,0l DCi de 150 puis 175ch. En essence, ce n’est pas la joie avec l’unique quatre cylindres 2,0l turbo de 170ch. Heureusement durant la période on retrouve encore des V6 sous le capot. Ainsi, le V6 d’origine Nissan se retrouve dans les choix des motorisations avec le 3,5l de 245ch de la 350Z et de la Murano. En diesel, la marque a aussi proposé un V6 d’origine Isuzu avec un 3,0l de 180ch. La berline laisse le choix à entre transmissions manuelles 6 rapports et boite auto 5 rapports puis 6 dès 2005.

Malgré sa forme, la trainée aérodynamique n’est pas mauvaise avec 0,33, pas exceptionnelle, mais honnête avec son physique de frigo américain. Pourtant la berline démontre bien loti avec des jambes MacPherson à l’avant et des triangles superposés à l’arrière, pas sportif, mais assurant un bon comportement.

La fin de carrière de la Renault Vel Satis

Très loin d’égaler les chiffres de la Safrane et ses 310 000 exemplaires, la Vel Satis achève sa carrière le 12 novembre 2009 après 62 201 exemplaires. Un échec sans précédent pour Renault. Il se dit que sur toute la carrière de la berline Renault perdait 18 710€ par véhicule vendu. Énorme sachant que l’investissement de la berline a coûté 630 millions d’euros. Un naufrage qui refroidit Renault. La remplaçante éphémère de la Vel Satis étant la pauvre et à son tour moquée, la Latitude, une vulgaire Samsung SM7 rebadgée.

La Renault Vel Satis a finalement marqué son époque en étant tout ce qu’il ne faut pas faire dans le haut de gamme. Aujourd’hui, la voiture reste moquée et connait tout de même des amateurs grâce à son grand espace à bord. La berline de 4,86m de long, reste encore à ce jour le plus bel exemple de naufrage industriel en France.

L’Avis des Cylindres :

Aujourd’hui, la Vel Satis n’est toujours pas la star de l’occasion. La grande Renault payant les choix étranges de la direction. Outre sa fiabilité aléatoire et sa finition, la berline paie son format atypique. Pourtant, elle offre un vaste espace intérieur et un coffre à la capacité respectable.

Côté fiabilité, plusieurs points à surveiller sur la berline, déjà on fuit les moteurs les moins puissants qui n’offre aucun agrément avec le poids de la berline (mini 1 500kg sur la balance). Les quatre cylindres connaissaient tous des avaries de tout type, casse moteur, perte de puissance, courroie, défaillance de boite automatique, etc. C’est la loterie avec la Vel Satis ! On surveillera l’historique de l’entretien de la voiture.

Pour le prix d’une citadine, on peut ainsi s’offrir une grande berline haut de gamme, les premières versions avec 150 000 kilomètres se trouvent dès 3 990€. On évite les modèles sous le tarif de 3 000€ qui demandent des frais. Pour 6 900€, des versions haut de gamme Initiale se dégotent. Pour un exemplaire doté d’un V6, les prix se négocient autour de 6 900€.

GALERIE

VIDEO

Via Renault, Wikipédia, Motor1

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