Quand on parle de GT 2+2, on pense immédiatement à l’Alfa Romeo GTV, l’Alpine A610, Ferrari 365 GT 2+2 et plus récemment la Ferrari GTC4 Lusso, mais pas vraiment à l’Alpine A110. En 1963, surfant sur le succès de la récente Alpine A110, le constructeur normand dévoile en octobre 1962 la version 2+2 : l’Alpine A110 GT4.
La dernière coopération entre CG et Jean Rédélé
Depuis l’Alpine A106, Jean Rédélé travaille en commun avec la famille Chappes, fondateur de la carrosserie Chappe & Gessalin spécialiste de la résine polyester. Lors du second modèle de la marque dieppoise, l’Alpine A108, CG Automobiles soumet l’idée d’un nouveau véhicule dans la gamme Alpine. Outre le coach et le cabriolet, la société basée à Brie-Comte-Robert propose une carrosserie 2+2. Le projet voit le jour au cours de l’année 1960 avec une carrosserie boulonnée à un châssis poutre et une mécanique de Renault Dauphine. Le véhicule prend le nom d’Alpine A108 2+2. Bon, l’A108 2+2 fait un flop avec seulement 100 exemplaires mais les partenaires ne veulent pas en rester là. Les deux partenaires décident de concevoir un modèle plus familial et moderne. En vérité, Jean Rédélé déteste la partie arrière peu gracieuse de l’A108 2+2.
Alpine et CG optent pour une grosse évolution de la GT 2+2 en conservant les atouts de l’A108 GT 2+2. La clientèle ayant apprécié la forme élégante du véhicule et surtout les phares profilés, Jean Rédélé demande de revoir complètement le dessin de l’A110 GT4. La modification sera permise grâce à la modification de l’emplacement du radiateur, désormais situé à l’arrière du moteur (de la Renault 8) et non plus devant comme sur l’A108. L’objectif de la nouvelle GT est de séduire avec un nouveau design et un confort accru. D’ailleurs, l’empattement passe à 2 270 mm, soit 170mm de plus que le modèle précédent et la hauteur du toit gagne 14 cm, permettant ainsi d’offrir quatre vraies places. L’Alpine A110 GT4 devient la dernière réalisation en collaboration entre Jean Rédélé et Chappe et Gessalin Automobiles, probablement du à sa ligne un peu trop lisse… et l’arrivée de CG Automobile avec la 1000.
1962 : l’Avènement de l’Alpine A110 GT4
Durant le Salon de l’automobile de Paris 1962, trônent non pas une mais trois nouvelles Alpine : l’A110 « Tour de France », un cabriolet et une version quatre places : l’Alpine A110 GT4 sous la forme d’un concept-car. Sous le capot de cette A110L (comme longue), l’on a le 4 cylindres de la Renault 8. La gamme du constructeur annonce l’enrichissement de l’offre avec un troisième modèle à la mécanique identique, permettant des économies d’échelles. Face au succès du concept, ce dernier passe donc à l’étape de la production.
Au passage, le concept embarque à l’arrière les « strapontins » de l’A108 qui ne seront pas conservés dans la version de série, mais plutôt une banquette pour deux personnes. Au retour du salon parisien, CG développe des nouveaux moules et réalise un châssis spécifique pour la série. De son côté, Jean Rédélé cherche à réduire les coûts en réutilisant les pièces d’origines Renault. La mécanique embarque le moteur de la R8 avec le bloc moteur, la boîte, les trains roulants, la direction…, tandis que les poignées de portes extérieur et intérieur, pare-brise, pré-soleil, déflecteurs de portes, phares, essuie-glaces… viennent de Floride.
Savoir-faire oblige, la carrosserie du coupé quatre places reste toujours en polyester moulée chez GC directement à l’usine de Brie-Compte-Robert. La carrosserie est ensuite boulonnée au châssis poutre, contrairement à la berlinette où il est scellé. Le carrossier réalise également l’assemblage, l’intérieur et la peinture avant de transférer les caisses chez Alpine, à Dieppe. Chez nos amis normands, l’A100 GT4 reçoit son moteur et les trains roulants. Détail intéressant : l’aile avant droite reçoit un logo C&G ainsi qu’une plaque constructeur au nom du carrossier au côté de celle d’Alpine dans le coffre avant. La production démarre officiellement en avril 1963.
Une carrière dans l’ombre de la berlinette
La carrière de l’Alpine A110 GT4 démarre en 1963, sans véritablement séduire la clientèle. Sa production artisanale n’a pas non plus aidé, les chiffres de production et fabrication artisanale en fait un joli brouillon. Selon les documents, on retrouve 20 modèles avec le 956 cm3 de la Dauphine et disposant d’une carte grise A108L. Le plus étonnant reste le numéro de châssis compris en 4 000 et 4 065 (car tous les numéros n’ont pas été attribués). Pour les autres GT4, c’est (presque) plus simple, elles sont toutes considérés comme des A110L avec un numéro de châssis compris en 5 001 et 5 436. Sous le capot moteur, on retrouve le moteur 1 108 cm3 et trois GT4 à motorisation 1 296 cm3. Enfin, quinze GT4 disposent du 1 255cm3 de la R8 Gordini, avec encore un autre numéro de châssis. Un mille feuilles, on vous dit !
Durant ses sept ans de carrière, l’Alpine A110 GT4 ne connaît pas de grosses modifications. Je te le donne dans le mille, Emile : la voiture ne se vend en moyenne qu’à 37 exemplaires par an. En 1965, les phares avant changent de diamètre en passant de 160mm à 180mm. Les déflecteurs de porte abandonnent ceux de la Floride pour ceux de la Caravelle. En 1967, l’intérieur reçoit des commandes de chauffage sur la planche de bord. La même année, le losange Renault prend place sur le capot suite aux accords entre Jean Rédélé et le constructeur français.
Trois motorisations, du simple au double
eSous le capot, notre GT propose trois motorisations. Premièrement, celle de la R8 et son petit bloc de 956 cm3 de 51ch, qui est un bloc très peu sportif mais la coupé ne pèse que 615 kilos. Manquant de patate, Alpine propose rapidement la « Version 70 » équipée du 1 108 cm3 de 66ch de la Caravelle. Alpine revoit le taux de compression et équipe d’un carburateur vertical de 40, qui permet un gain de puissance par rapport à la puissance d’origine de 50ch de la R8 major et des 55ch de la Caravelle.
En 1965, la GT4 reçoit le renfort de la « Version 100 » issue de la R8 Gordini. Le 1 108 cm3 développe 95ch avec deux carburateurs double corps horizontaux. En 1966, le coupé devient la GT4 1300S et récupère le 1 296 cm3 de la R8 Gordini avec une puissance de 115ch avec deux carburateurs double corps horizontaux. La même année, Alpine propose le 1255 cm3 de 105ch, la GT4 1300 tout court. Mais c’est trop tard pour le coupé quatre places. La française file entre 155 et 200 km/h, et bien dotée, elle s’équipe de série de quatre freins à disques.
Davantage confort que sport
En glanant l’histoire de l’Alpine A110 GT4, je m’aperçois que son principal défaut consiste à une tenue de route trop sage, trop polie. La carrosserie reste sage et les portières permettent une grande accessible aux places arrière. A son volant, il semble que sa conduite n’incite pas à la recherche de la sensation que sur une A110. La GT4 pousse plutôt aux longs voyages en famille qu’à les bousculer. Elle sait se montrer amusante à conduire, sans être piégeuse mais tempère les ardeurs de son conducteur.
Passons à son style un peu trop mièvre, expliquant certainement son flop. La coupé possède une ligne fluide, un peu haute sur patte et ne dispose d’aucune agressivité. Seule la face avant fait le lien avec la berlinette. Ce galet de Dieppe réclamant le même prix de base que l’A110, les raisons de son insuccès correspondent plutôt à son déficit d’image. La voiture subit une image familiale et féminine avec sa surface vitrée et ses lignes douces. Plus féminine peut-être mais elle reste la seule et dernière Alpine à autre vraies places.
En 1969, c’est la fin : Alpine abandonne l’A110 GT4 et cesse de collaborer avec CG, qui décide de concurrencer le premier. La petite française disparaît après sept ans de carrière et 263 exemplaires. Le cabriolet A110 connaît la même destinée avec seulement 30 exemplaires. Sans plus de succès, Alpine vend la licence du modèle à Dinalpin, au Mexique et n’écoule que 118 exemplaires entre 1965 et 1974.
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Via Alpine-gt4, Overblog, Bring a Trailer, Artcurial