Après l’échec commercial de la controversée GTA. Renault remet le couvert avec l’Alpine A610, une dernière grande GT qui se soldera par un malheureux échec. Voulu comme plus puissante, plus polyvalente et luxueuse, elle doit rattraper les erreurs commises avec la précédente GT. De plus, l’A610 connait une carrière éclair, de 1991 à 1995 qui marque la fin de la marque dans les années 1990.
L’Alpine A610 : plus Grand Tourisme que Rallye
Si depuis 1955 Alpine s’est illustré dans les sports mécaniques et les petites sportives. La marque de Dieppe, passé sous le giron de Renault s’illustre dans un nouveau registre : les voitures de grand tourisme. Le but de cette évolution, chatouiller Porsche et ses modèles comme la 928. Celle qui va incarner ce changement est l’Alpine A310, mais ce nouveau positionnement va conduire la marque de Jean Redélé à sa perte.
L’Alpine A610 a ainsi pour mission de faire oublier la GTA, qui n’est ni bonne ni mauvaise, mais qui n’a pas profité d’assez d’investissement. Malgré un rapport prix/performances séduisant, la mauvaise qualité de finition et sa ligne timide en font un terrible flop pour la marque Alpine. Pour plus d’infos, retrouvez mes articles à son sujet sur Les Alpinistes ici et là.
Avec avec la nouvelle GT, Renault-Alpine, mise sur une voiture aux prestations plus haut de gamme, plus performante et surtout mieux finie. Pleine de qualités, le destin est parfois injuste et la pauvre Alpine A610 va connaitre un destin tragique (oui on se prend pour Stéphane Berne). Alpine se retrouve dans une situation déplaisante pour une marque sportive. La dernière grande victoire remonte à 1978 lors des 24h00 du Mans avec l’Alpine A442. Les années 1980 sont pauvres en engagements sportifs, car la marque n’a littéralement pas continué dans ce registre et sombre dans l’oubli.
Le BEREX c’est chouette
Qui mieux que Renault le Berex pour concevoir une Alpine ? C’est le fameux bureau d’étude de la marque au losange qui se charge de la conception de la voiture. Pour rappel, le Berex (Bureau d’Etudes et de Recherches Exploratoires) situé non loin de Dieppe à qui l’ont doit quelques concepts et études pour le compte de l’ex-régie (le VVA et le projet W71 par exemple pour Alpine). C’est sous la direction d’Alain Serpaggi que le projet D503, la future Alpine A610, voit le jour.
Le Berex va devoir encore se contenter d’un budget limité. Les ingénieurs vont optimiser leur temps de travail et être efficaces. Pour faire des économies, le projet D503 reprend les bases de la GTA. La carrosserie se pare d’un dessin plus moderne, chic, bref plus grand tourisme. Le dessin fait plus évolution que révolution. La ligne se fait plus élancer avec ses feux escamotables et la proue devient plus massive. L’aérodynamique fait des progrès avec un coefficient de 0,30. Les feux sont travaillés à partir des éléments des GTA américaines. On note aussi les très belles jantes 16 pouces turbine.
Le projet D503 devient l’Alpine A610 et prend son premier bain de foule durant le Salon de Genève 1991. La Dieppoise se veut haut de gamme par rapport à sa devancière avec son V6 turbo, le tout afficher à 395 000 F (96 910€ en 2023). C’est tout de même 40 000 F (9 813€) de différence avec une Porsche 964. Surtout l’A610 est une 2+2 qui permet une ballade en famille, deux places pour enfants plus que pour adultes. L’isolation phonique fait aussi des progrès par rapport à la version sortante. La carrosserie reste en résine et fibre de verre collé au châssis-poutre pour une meilleure rigidité de la coque.
L’Alpine A610 un pur produit normand
Pour acquérir un certain statut premium, les livraisons de l’Alpine A610 pouvaient avoir lieu directement à l’usine de Dieppe. Les clients se voyaient offrir une K7 explicative sur les principes de base sur le pilotage ainsi qu’une journée d’initiation au pilotage sur circuit avec sa voiture en compagnie d’un pilote Alpine de sa région. De plus, Alpine offrait une visite du site avec un déjeuner et la remise des clés.
L’intérieur profite d’une finition plus soignée que sur la GTA, les matériaux gagnent en qualité et l’assemblage se montre plus précis. L’ergonomie profite de nombreuse amélioration par rapport à la précédente GT d’Alpine. l’A610, conserve un dessin rectiligne, mais désormais ordonné. Les sièges Renault Sport sont d’office en velours et s’habillent de cuir en option. Pourtant à sa sortie, la presse critique une finition pas à la hauteur par rapport au prix demandé.
Heureusement, l’équipement de série se montre pléthorique : vitres et rétros électriques, direction assistée, alarme, ordinateur de bord, ABS ou encore un système hi-fi Pioneer à K7 intégrée avec commande au volant. Au niveau des options, seuls le lecteur CD et la sellerie en cuir sont proposés.
L’A610 carbure au V6 PVR
Sous le capot, la Française reprend le moteur V6 PRV (Peugeot-Renault-Volvo). Pour Renault, la course à la puissance va être compliquée comparé aux marques allemandes. Le V6 PRV est modifié pour offrir une cylindrée de 3.0l avec catalyse et développe 250ch à 5 750 tr/min. Le moteur se montre joueur avec un couple accessible dès 2 900 tr/min. L’Alpine A610 développe tout de même 50ch et 5,7mkg de moins que la GTA. La culasse et les chambres de combustion sont également revues pour la version Alpine avec de nouveaux conduits d’admission. Le V6 est gavé au turbo avec un modèle Garret T3 qui souffle 0,8 bar avec un plus gros échangeur air/air. L’Alpine reçoit une nouvelle pompe à eau électrique et des ventilateurs de compartiment moteur qui fonctionne à l’arrêt. Le rapport poids/puissance propose 5,7kg/ch.
La V/max de la Normande flirte avec les 265km/h avec une vitesse bloquée électriquement. Le départ arrêté (le fameux 1000m) se fait en 25 secondes. Le 0 à 100km/h est expédié en 5,7sec. Le moteur se place en porte-à-faux arrière, tradition alpine oblige. La boite 5 rapports de l’Alpine reste manuel et se voit renforcé pour subir le supplément de couple avec une synchronisation sur le pignon de marche arrière. Pour le freinage, l’A610 se dote de quatre gros disques ventilés et un ABS Bosch avec 5 capteurs de série.
Un châssis plus travaillé
Le châssis est amélioré du fait de la prise de poids pour une meilleure rigidité. La plateforme profite enfin d’assemblage de tôle emboutie et se passe des tubes soudés avec le plancher central en composite. La GT Française profite d’un berceau arrière démontable avec des renforts de portes. La Française va aussi prendre du poids avec 200kg de plus que la GTA soit 1420kg sur la balance. La répartition des masses se présente en 43/57 pour éviter d’avoir un effet de faiblesse sur le train avant.
L’A610 cherche à séduire
La presse salue les qualités dynamiques de la voiture, mais son manque d’image sportive va la desservir. Pour dynamiser la gamme, la marque dévoile fin 1991 la série limitée Olympique 92, qui ne rencontre pas le succès escompté. Cette dernière devait surfer sur le succès des JO d’Albertville. L’A610 Olympique 92 reçoit une présentation spécifique avec sa teinte blanc glacier, sa sellerie en cuir clair et sa dotation complète de série. Bon vu le flop, seuls deux exemplaires vont être construits et utilisés durant les jeux avant d’être revendus en… occasion. Après 6 mois de commercialisation, la carrière de la voiture n’est guère brillante. Seul 60 exemplaires ont trouvé preneurs. En France, la GT ne rencontre pas le succès au point où elle se vend mieux en Angleterre et en Allemagne.
L’A610 Magny-Cours
Quelques mois plus tard, le 3 juin 1992, Alpine ajoute (encore) une nouvelle version qui prend le nom de « Magny-Cours » limité à seulement 30 exemplaires. Cette dernière se dévoile sur le circuit de Nevers Magny-Cours. L’objectif de cette série spéciale est de commémorer les succès de Renault en F1 comme motoriste. La voiture s’habille d’un vert foncé que l’on retrouve sur les jantes, une sellerie en cuir noir et une plaque numérotée.
En juillet 1992, la gamme évolue avec un nouveau seuil de porte ajouré qui laisse voir la couleur de carrosserie. Le cuir de la version Magny-cours rejoint la gamme classique et de nouveaux pneus Michelin sont proposés. L’année 1993, marque la dernière évolution de la GT Française. Elle reçoit de nouvelles jantes 16 pouces plus élégantes et moins massives que les turbines. Ces jantes 5 branches proviennent de la Renault Sport Spider. Le moteur perd 12cm3 pour l’homologation de certains marchés étrangers et les feux avant adoptent des projecteurs blancs. Renault apporte des modifications sur le système électrique avec de nouveaux fusibles. La marque propose aussi du sur-mesure pour se rapprocher des standards des Allemands comme Porsche.
L’Alpine A610 Turbo Évolution 280
En 1993, L’Alpine A610 Turbo Evolution voit le jour et son V6 progresse à 280ch, mais elle reste au stade du prototype. Son objectif : relancer la carrière de la GT du losange qui souffre sur le marché. Le Berex propose également une version cabriolet. Ce prototype roulant n’ira pas plus loin que l’A610 Turbo Evolution.
Patrick Legeay engage une A610 en GT2 lors des 24h du Mans 1994. La voiture termine 5e de sa catégorie et13ème au général, mais c’est tout. Faute de vente et surement d’envie de la part de Renault, l’Alpine A610 disparait en avril 1995 avec un dernier exemplaire rouge écarlate nacré verni qui sort de l’usine de Dieppe. Après seulement 818 exemplaires, l’usine de Dieppe va voir sa marque disparaitre et va assembler les Renault badgés… Renault Sport avant le retour de l’A110 en 2017.
L’Avis des Cylindres :
L’Alpine A620 connait une carrière éclair et n’a jamais réussi à s’imposer face aux références allemandes. Entre les erreurs de stratégies, de marketing, etc. Le fiasco prend fin en 1995 en signant la première mort d’Alpine. Aussi surprenant que cela puisse paraitre la plus grosse partie de la production de l’A610 a été vendue en Allemagne et en Angleterre. L’Alpine est venue sous le nom Renault, en Angleterre, car Alpine appartient à Sunbeam puis PSA avec le rachat de Chrysler Europe. Ce qui représente 68 versions avec conduite à droite.
L’Alpine se montre fiable à l’usage. La Française connait surtout des soucis électriques, mais rien d’immobilisant. Le Graal reste la version Magny-Cours et Olympique 92 qui représente seulement 32 exemplaires au total. La rareté faisant le prix, une Alpine A610 demande quelques soit les options (on ne parle pas de version), un ticket de 45 000€. Le retour de la marque a permis à la GT de revenir sur le devant de la scène. Une version Magny-Cours demande une rallonge, mais on nous n’avons pas de prix, bon courage.