L’industrie britannique va mal au début des années 1970. L’heure de gloire des roadsters est sur la fin et les marques anglaises ont du mal à renouveler leur gamme. Le choc des cultures se produit en 1979 lorsque le groupe British Leyland et Honda signe un partenariat, dont la première pierre du fragile édifice est la Triumph Acclaim. Cette petite berline va être la dernière production du constructeur Triumph.
Premier acte : Grève, manque de fiabilité et erreur
La situation est catastrophique pour le groupe anglais. Née en 1968, de la fusion de British Motors Holding (BMH) et de la British Leyland (LMC) doit absolument lancer de nouveaux produits et s’adapter à sa clientèle qui ne veut plus de roadsters. Le groupe doit surtout trouver une solution avec sa myriade de marques. De plus, le groupe va subir durant cette période plusieurs mouvements de grève, des problèmes de qualité et de fiabilité. Sans oublier que dans la tourmente, les Anglais perdent des parts de marché un peu partout.
Revenons en arrière, en 1961, Standard-Triumph intègre le groupe BMC. Bonne idée, le groupe supprime la marque standard et ne conserve que Triumph. La marque connait de grand succès avec la Stag, l’Herald ou encore la Dolomite et surtout la lignée de TR. À la décennie suivante, la marque Triumph n’est plus à la fête, tous les modèles souffrent de problèmes de fiabilité et de qualité. De plus, en 1975 débarque la TR7 qui cumule tous les soucis en plus d’un style dégueu original. En outre, Triumph n’arrive pas à suivre les exigences américaines en termes de politique antipollution, son principal marché.
Acte 2 : Tiens, voilà les Japonais !
Dans la même période, un petit pays très loin de notre continent se réveille avec son industrie automobile : le Japon. Pour les Européens, c’est le choc en découvrant des voitures fiables, d’excellente qualité et surtout vendues à bon prix. Le marché européen souffre de cette nouvelle offre et les politiciens vont mettre des bâtons dans les roues de l’ogre japonais. Les quotas arrivent et les Nippons doivent trouver une solution. Ça tombe bien, les Anglais souffrent de l’arrivée des Japonais. Le groupe British Leyland et ses marques n’arrivent pas à se restructurer ni à renouveler ses différents modèles. Alors l’impensable va se produire.
À la fin de la décennie 70, les Anglais rencontrent un petit souci : il n’y a plus de fric, de flouze, de pognon pour développer un nouveau modèle chez Triumph. La marque ne convainc plus et pire la fiabilité désastreuse de ses modèles l’approche dangereusement de la faillite. Il faut réagir et vite ! Dès 1980, la marque fait le ménage dans sa gamme avec la suppression de la Spitfire et de la Dolomite, la TR7 suit en 1981. Bien décider à sauver sa marque British Leyland, va se rapprocher du japonais Honda. Le petit constructeur de Tokyo voit l’opportunité d’outre passer le fameux quota et d’inonder à moindres frais le marché européen. Du coup, la Ballade qui n’est qu’une Civic avec une malle ne posera pas une roue sur le sol européen, au profit de l’Anglaise.
Acte 3 : vous prendrez bien du riz avec votre thé, darling ?
Désarmé face à la mutation du marché automobile, l’anglais en déroute signe, le 17 mai 1979, avec Honda un accord commercial et une licence pour produire une berline. L’ensemble de la voiture sera construit dans l’usine Triumph de Canley, près de Coventry. Cet accord permet à Honda d’entrer sur le marché européen par la petite porte, mais de démontrer son savoir-faire à peu de frais. Pour British Leyland, ce sont des économies substantielles, puisqu’il n’y aura pas besoin de bureaux d’études, c’est une voiture clé en main pour pas cher. L’accord entre les deux groupes annonce que la berline sera produite chaque année en 50 et 60 000 exemplaires. Ladite auto arrive sur le marché en 1981 sous le nom de Triumph Acclaim et remplace la Dolomite.
Cette solution économique, pour sortir Triumph de sa l’ornière, prend la forme d’une berline dérivée de la Honda Ballade. Dans la pratique, la solution va se compliquer : pour être considéré comme européen, un minimum de 50% d’espèces doit être produit dans l’espace européen. Triumph va transformer la Japonaise en une parfaite voiture Made in England. Le système de suspension type McPherson fait son apparition, la sellerie est reprise de chez Ford. Seule la carrosserie n’évolue pas et reste une Honda Ballade. Du côté de l’équipement, la Triumph Acclaim se veut résolument plus haut de gamme avec de série : vitres électriques, sellerie en velours, enjoliveurs de roues ou encore le lave-phares. Tandis, que la climatisation reste une option. En outre, l’Acclaim propose 4 niveaux d’équipements : L, HL, HLS et CD.
Sous le capot de la britanno-nippone, le moteur reste un 4 cylindres 1.4l en ligne à d’origine japonaise. Ce dernier est envoyé directement des usines Honda vers celle de Triumph. Même la boîte provient de chez Honda, avec une moderne boîte manuelle 5 rapportes ou en boîte automatique à 3 rapports Trio-matic dérivé du système Hondamatic. À la différence près que l’alimentation de la Triumph Acclaim passe par un carburateur double corps et non un simple comme sur la Ballade. Le moteur 1.4l développe la puissance de 70ch, le tout avec une V/max fixé à 155km/h.
Acte 4 : spoiler, la Triumph Acclaim n’est pas une happy end
En fin de carrière, l’Acclaim ajoute sur le tas une série limitée, l’Avon Turbo. La berline ajoute un turbo Gerrett, qui développe désormais 105ch et une V/max de 193ch. Introuvable, c’est la perle rare de la gamme.
Alors happy end ? Pas vraiment, la première anglaise à ne pas rouiller se vend bien sur son marché domestique. La petite Triumph Acclaim se hisse tout de même dans le top 10 des meilleures ventes en 1982 et 1983 au Royaume-Uni. Malgré un excellent rapport qualité-prix, British Leyland met un terme à la commercialisation de la berline. Trop de marque, le groupe anglais sacrifie finalement la marque au profit d’une réorganisation de gamme. En 1984 c’est la fin de la berline et de sa marque après 133 626 exemplaires écoulés. Quelques mois plus tard démarre le projet qui donnera naissance à la Rover 800 et surtout à la Rover 200 de deuxième génération, clone de la Honda Concerto.
L’Avis des Cylindres :
Rien à redire sur la petite Anglaise, elle est fiable, légère (seulement 800 kilos) et bien construite (merci Honda!). Le plus dur reste de trouver les pièces de carrosserie et les autres accessoires. Car comme la Ballade qui sert de base, l’Anglaise est plus que rare dans nos contrées. Côté moteur, le petit 1.4l est fiable et sobre et pour le reste toujours les mêmes éléments à surveiller : corrosion sur les ailes et le plancher.
Pour les tarifs… C’est très accessible. L’unique exemplaire actuellement en vente ne demande que 4 990€. La faute au fait que la petite voiture soit tombée dans l’oubli. L’occasion de surprendre son monde à son volant lorsque vous irez à un rassemblement avec !