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Renault Espace : L’ère du monospace (1984-1991)

Matra est dans une mauvaise passe à la fin des années 1970, son patron, Philippe Guédon, réfléchit comment donner une succession au coupé Bagheera et surtout à l’iconique Simca-Matra Rancho. Profitant du rapprochement avec Renault, il imagine avec Antoine Volanis, un nouveau Rancho sur base de R18,. Ce dernier ne connaitra pas de suite. C’est le point de départ du Renault Espace, de première génération.

Un projet de voiture à l’américaine

Alors que le voile sur la nouvelle génération de Renault Espace, s’annonce. Revenons plus de 40 ans en arrière. En 1979, Matra et son patron Philippe Guédon, ont en tête une voiture modulaire capable de transporter de manière confortable une famille et ses bagages. Rappelons que la gamme Matra prend de l’âge et il faut trouver un successeur aux Bagheera et surtout au Rancho. Ces jours sont comptés avec la disparition de Simca, au profit de Talbot. Suite à un voyage aux Etats-Unis, Philippe Guédon, imagine un véhicule spacieux à l’image des vans américains. Une idée en particulier va germer dans sa tête. Il est convaincu, l’avenir de l’automobile va passer par l’apparition de véhicules récréatifs, familiaux et ludiques.

De plus, le succès du Rancho convainc son opinion et celle de ses équipes. Il y a une place pour un véhicule plus familial. Matra va devoir abandonner son image de constructeur de véhicules sportifs pour celui de véhicules décalés et destinés à la famille. Il faut s’adapter à sa clientèle qui prend de l’âge.

La période 1979-1981 ou le « Dessin Orange »

Guédon explique son projet à son partenaire de toujours ; Antoine Volanis, designer du Rancho mais aussi de la gamme des années 1970, ce dernier doit lui faire une proposition. En seulement un week-end, Volanis réalise le croquis qui va prendre le nom de « dessin orange ». Cependant, il semble que la réalisation du dessin en un week-end soit une légende colportée par Guédon. En effet, le dessin reprend en partie des éléments du projet de Supervan de Chrysler Europe. Le véhicule possède des formes douces, élégantes et dynamiques, très loin du style des utilitaires américain. La voiture est une évolution du Rancho avec une carrosserie trois portes et le toit rehaussé. En outre, on retrouve un poste de conduite avancée au-dessus des roues avant et une galerie au-dessus du conducteur.

C’est à ce moment, où je vous sors de mon chapeau, que Matra n’a pas inventé le Renault Espace. Que les designers de Matra dont Volanis, ce serait inspiré du projet Supervan réalisé en 1977 par Chrysler UK. La légende autour du projet Chrysler raconte qu’après son échec, Matra aurait repris les plans et les aurait amenés à terme. Il semble plutôt que Matra, proche de Simca, aurait participé à l’élaboration du monospace. Bien que les infos ne puissent être véritablement vérifiées.

Le fameux « dessin orange » : crédit : Car design Archives

Les prototypes Peugeot-Talbot P16, P17 et P18

L’année 1979 va être le point d’orgue de la conception de la voiture. Dès le mois de mars, les plans définissent une conception et une architecture plus traditionnelle. Le moteur transversal est positionné à l’avant et les rangées de sièges reprennent une place plus classique. Ainsi, la position de conduite avancée est abandonnée à cause des normes de sécurité. La voiture va mesurer 4.18 mètres de long. Ce qui donne naissance au projet P16.

En juin 1979, une première maquette pleine est réalisée, suivie d’une seconde avec un aménagement intérieur. Le projet P16 reçoit les phares ainsi que la banquette arrière de la Peugeot 604, le volant est repris de la Matra Murena. Au fil des mois, le dessin évolue encore et le toit rehaussé est abandonné. Le châssis repose quant à lui, sur la Talbot Solara. Les sketchs pour convaincre Peugeot et Talbot mettent en avant la voiture dans différentes versions: Week-end ou en version Grand-Raid. La Grand-Raid, reprennent de nombreux éléments de la Rancho, protections plastiques des bas de caisse, pneus tout-chemins, galerie de toit renforcée, etc. L’état-major de PSA est convié à une première présentation dès novembre 1979. La réaction positive des membres de Peugeot, conforte Matra et les équipes du lion, demandent de nouvelles propositions face à ce véhicule inattendu et original.

Le projet P16

Le P17 et P18

Matra confiant face au succès de sa présentation développe pour le compte de PSA, deux nouveaux prototypes : les P17 et P18. Le premier concept est plus compact que le P16. La longueur entre les deux véhicules passe de 4.18m à « seulement » 3.84m. Matra vient donc, de créer sans le savoir… les minispaces compacts. Finalement, le P17 n’est pas retenu du fait qu’il n’est pas assez habitable au vu de ses dimensions. La version P18 conserve la longueur du P16 avec 4.18m de long et un empattement de 2.60m. Étrangement, le porte-à-faux avant du P18 parait plus large que le Renault Espace final. De plus, la moquette du sol remonte et habille la planche de bord. Pour pallier à un manque de succès du futur véhicule, en octobre 1981, on imagine à partir de la carrosserie définitive, des versions fourgon, pick-up, etc.

Malheureusement, tout ne va pas se passer comme prévu, Peugeot se remet à peine du rachat de Citroën et surtout de celui de Chrysler Europe, le lion ne donnera pas suite au projet. La priorité du constructeur franc-comtois est le lancement de la Peugeot 205. Le projet, désormais sur base de BX sous le nom P20, est ensuite proposé à Citroën qui ne donne pas suite. Matra qui commence à manquer de liquidité se tourne vers son nouveau partenaire.

Le projet P17

La naissance du Renault Espace

Les mois qui ont suivi le refus de Peugeot sont comptés, Philippe Guédon doit trouver une solution pour sauver son entreprise. L’horloge tourne et en octobre 1982, le projet prend le nom de P23. Le projet P23 va beaucoup évoluer, car Antoine Volanis quitte le navire et Matra se rapproche de Renault. Ainsi, le projet va récupérer le châssis de la R18, en traction avant et son moteur longitudinal (et non plus transversal comme sur les produits PSA). En outre, l’empattement perd 5cm pour être à 2.55m, le porte-à-faux avant est allongé et le train avant dérive de la Renault Fuego. Enfin, le bout du tunnel est approche, en décembre 1982, Philippe Guédon invite son homologue de l’ex-régie à découvrir le résultat. Le PDG de Renault, Bernard Hanon, est séduit par le projet. Il connait l’engouement des Américains pour les vans aménagés.

« C’est la voiture à laquelle on aboutira naturellement lorsque l’on aura dépassé toutes les vanités automobiles »[2].

Bernard Hanon à propos du Renault Espace

Désormais, Renault donne son feu vert à Matra pour la conception finale du P23. chez Renault, on assouplies les formes et les volumes du futur Espace et les premiers prototypes avec le style définitif, prennent la route en 1983. Toutefois, l’étude de la version utilitaire n’a pas été vaine ; grâce au plancher plat, les concepteurs peuvent se passer d’une banquette traditionnelle. Le choix se porte sur des sièges démontables, c’est ainsi, qu’apparaît l’une des caractéristiques révolutionnaires de la voiture. Renault et Matra mettent tout en œuvre pour que la voiture puisse être lancée dès le printemps 1984.

1984 : le Renault Espace est mis en orbite

En juin 1983, Matra et son nouveau partenaire signent un accord de coopération pour « l’étude et la fabrication par Matra, à partir d’organes mécaniques Renault, de véhicules commercialisés par le réseau européen de Renault ». En janvier 1984, le coup d’envoi de la production de présérie est donné et les premiers modèles sortent des chaînes de Matra à Romorantin. Les premiers modèles sont fabriqués à partir de mars 1984.

Le Renault Espace arrive durant le Salon de Paris 1984. Sa présentation laisse le public de marbre, mais nous allons y revenir. Le monospace peut embarquer jusqu’à 7 personnes selon l’aménagement choisi : il laisse le choix entre 2 et 3 rangées de sièges indépendants. Son point fort, évidemment, c’est sa modularité selon (encore) la fonction choisie : une configuration salon avec ses sièges pivotants ou détente voire, transport d’objets. À l’arrière et au besoin, les sièges se transforment rapidement selon les besoins. L’autre point fort du Renault Espace reste sa grande surface citée, contribuant à rendre l’espace à bord le plus agréable possible.

L’Espace offre dès son lancement deux motorisations confortables : un 2.0l à carburateur développant 110ch essence, ainsi qu’un 2.1l turbodiesel de 88ch. Sur le stand de la marque à Paris, le public est sidéré par la voiture, on s’interroge, on est déboussoler voire, intimider devant la camionnette des familles. Les premiers mois de sa commercialisation interrogent, car catastrophiques. On imagine d’ores et déjà le Renault Espace comme un accident industriel (ce qui nous rappelle bon nombre de voitures… comme l’Avantime). Renault persévère avec son monoplace et fait confiance à Matra. Mine de rien, le Renault Espace, s’intègre dans le paysage automobile Française devant le désir des familles.

Un facelift et une tentative aux USA

Au final, le succès surprenant de l’Espace sature l’usine de Romorantin. L’usine ne peut plus assumer à elle seule la charge de production. Une partie de la production doit être délocalisée à Dieppe. Prévu pour les États-Unis, l’Espace ne posera jamais ses roues chez l’Oncle Sam. Renault met en vente en 1987 le groupe AMC à Chrysler.

Après 4 ans de carrière, en 1988, le Renault Espace s’est imposé comme un incontournable de la marque française. Il s’offre pour l’occasion un petit restylage pour moderniser sa ligne. Il revoit sa gamme avec le 2.0l qui chute à 103ch, mais reçoit un 2.0l injection à 120ch et sans aucune modification pour le diesel. En outre, signalons l’apparition d’une version à transmission intégrale appelée Quadra. En 1991, le Renault Espace de deuxième génération fait son apparition. L’Espace mk1 tire sa révérence avec 191 694 exemplaires vendus.

En 1988, le Renault Espace est revu et adopte une transmission 4×4

L’Avis des Cylindres :

Le Renault Espace mk1 est désormais un objet de collection. Le plus recherché reste la phase 1 produite entre 1984 et 1985 puisqu’il y en a eu que 4000. On fera bien évidemment attention à l’état du monospace. Le châssis à un goût prononcé pour la corrosion et le vernis s’écaille sur la carrosserie en composite. Les pièces de carrosseries sont d’ailleurs un challenge à trouver.

Pour le reste, la voiture est fiable. On vérifiera tout de même l’était intérieur de la voiture. Les tarifs de l’Espace, vont du simple au double ! On trouve des exemplaires à remettre en état avec plus de 200 000 kilomètres pour 800€. La côte n’est pas bien haute et l’on trouve de tout et à tout les tarifs, les versions rarissimes réclament plus plus de 19 000€. Lors du dernier Rétromobile, Artcurial a vendu un exemplaire Turbodiesel pour plus de 15 000€. Acheter un Renault Espace 1 est une loterie, à vous de faire le tri.

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