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Lancia Delta : l’échec vient de sa différence (2008-2014)

La différence : voilà le terme que la marque Lancia va mettre en avant pour promouvoir sa Delta III. Différente, elle le sera par sa rupture avec la lignée, mais aussi avec la concurrence. Conçue comme offrant les avantages du segment supérieur, la Lancia Delta aura une carrière discrète et subira la descente aux enfers de la marque à la lance.

Oubliez le sport, soyez bourgeois !

Pendant quelques années, la vénérable marque italienne a été en quête d’identité. Oubliez le sport laissé à Alfa Roméo, place au luxe. Erreur marketing ou non, pendant que les Allemands définissent leurs modèles comme premium, les Italiens se positionnent avec Lancia comme marque bourgeoise. C’est un terme qui ne voudra absolument rien dire et, pire encore, brouille l’image de la marque dont la pauvre compacte Delta va en faire les frais.

Je me souviens du lancement de la Lancia Delta III lors de l’ouverture du Salon de Genève 2008. Des rideaux blancs, une chanteuse, des violons et des Lancia Delta étaient accrochés sur les parois comme les posters dans les chambres d’adolescents. La musique se fait plus fort, les Delta apparaissent sur le stand. Nous avions là une atmosphère luxueuse et propre aux italiennes.

À sa sortie, lors des fameux débats entre journalistes sur C8 (ex-D8) dans l’émission dédiée à l’automobile Direct Auto, un journaliste rappelle le problème de la marque. Elle avance l’argument que Lancia est une marque bourgeoise, mais… qu’est-ce qu’une marque bourgeoise ? Une marque généraliste un peu chic ou une marque premium vintage ? L’image est floue et proche d’une image d’Épinal face à la surpuissante Audi qui s’impose au début des années 2000.

Le concept Lancia Delta HPE, annonce dès 2006 l’arrivée de la nouvelle Delta, six ans après sa disparition de la gamme du constructeur.

Une berline bon chic, bon genre

Depuis plus de vingt ans, la marque fondée par Vincenzo n’évoque plus le sport dans sa communication, mais le luxe et l’art de vivre à l’italienne. La marque a d’ailleurs mis six ans à se remettre du flop provoqué par la Delta II manquant de personnalité. En 2006, Lancia, profitant enfin d’un peu d’air frais ou plutôt d’argent, développe le concept Delta HPE qui annonce la prochaine compacte de la marque. Il y a fort à faire, les amateurs de la marque ont tous en tête le non catégorique d’un certain Sergio au concept Fulvia qui ne verra jamais le jour.

La marque doit son salut à la petite Ypsilon, descendante des amusantes Autobianchi A112 ainsi que de la première Lancia Y10 et de la petite Lancia Musa. Oubliez la trop clivante Thesis boudée par les acheteurs. En Europe, tous les constructeurs se doivent d’avoir une compacte dans son offre afin d’être en vue et de répondre à la demande des Européens. On parle déjà à cette époque d’abattre l’indétrônable VW Golf et sa cousine premium l’Audi A3.

La Lancia Delta est longue (4,52 m) et basse (1,50 m).

La Lancia Delta doit faire oublier la Lybra

Dès la conception de la compacte, la marque italienne a dû faire un choix. Le groupe Fiat sort d’une crise qui a failli faire couler le groupe au début des années 2000. Ne voulant pas suivre l’exemple du groupe Rover, disparu quelques années auparavant, la marque italienne doit choisir entre une nouvelle berline du segment D ou une voiture pour le segment C.

Le segment D n’étant pas dans l’état dans lequel on le connaît aujourd’hui sous respirateur à cause des SUV. Lancia fait le choix de développer finalement un véhicule pour le segment C qui offre les atouts du segment supérieur. La prochaine Delta doit prendre la suite de la Delta II et remplacer la Lybra, cette dernière n’étant pas une priorité du fait qu’elle a elle-même connu une carrière confidentielle.

Ainsi naquit en 2008 une toute nouvelle Lancia Delta qui laissera tout le monde dubitatif. L’annonce de sa renaissance a laissé rêveur ! L’on imagine alors une voiture qui renoue avec le destin de sa funeste aïeule de 1979, ainsi que de nouvelles versions HF voire Intégrale qui égalent son prestigieux pédigrée.

Dès 2010, la marque tente l’ultraluxe avec la finition Executive… vantée par Richard Gere et gavée d’un 4 cylindres biturbo de 200 ch.

La Delta est une compacte de luxe

La nuova Lancia Delta détonne dans le paysage automobile. Elle est longue avec 4,52 m, soit presque aussi longue que la Peugeot 308 SW. Conçue par le Centro Stile Lancia, elle repose sur la plateforme Fiat C2, soit celle de la Fiat Bravo II.

Toute en longueur avec un empattement de 2,70 m, la Delta est totalement en rupture des précédentes versions et même avec le style de la gamme Lancia. Ce dernier est voulu futuriste : calandre caricaturale à l’avant, surface vitrée fine, feux arrière fin et capot de coffre vitré. La Delta est une compacte qui possède un physique de break. Point de sport dans la ligne de la Delta, elle est atypique voire différente, et elle l’assume.

Le nom est brodé sur la planche de bord, des logos Lancia de partout pour oublier la provenance du mobilier… de la Fiat Bravo.

Un intérieur signé Fiat Bravo (mais on n’applaudit pas)

L’intérieur va lui aussi attirer les foudres des clients, non pas par sa différence, mais par souci d’économie. Le mobilier est en effet intégralement repris de sa cousine Fiat Bravo II. Pour se rattraper, la finition est soignée, les revêtements chics et les sièges recouverts d’Alcantara — marque de fabrique de la marque depuis 1984 — ou de cuir pleine fleur de la maison Poltrona Frau comme sur une Maserati ou une Ferrari — il y a pire comme référence. Les sièges arrière bénéficient de petite attention de la part des ingénieurs de la marque. Comme dans les limousines, la banquette est inclinable jusqu’à seize degrés. Haut de gamme, la gamme débute dès 21 500 € avec la Oro, une tarification élitiste comparée au ticket de sa cousine de chez Fiat qui était fixé aux alentours de 17 000 € à 18 000 €.

Comme si elle dérangeait dans le groupe Fiat, on oublie rapidement la Delta. Face à son début timide, le groupe italien coule la compacte avec l’arrivée dès 2010 de l’Alfa Romeo Giulietta qui remplace à merveille la vielle Alfa 147 et… la Delta. On tente tout de même de relancer la compacte avec une nouvelle finition haut de gamme nommée Executive. Sous le capot, la Delta inaugure le 4 cylindres bi turbo 1.8l T-jet de 200 ch. On s’attendait à un moteur à la hauteur de la puissance ; et si l’effet sport est au rendez-vous, le poids rattrape rapidement la déception. La Delta est dynamique sans transporter avec émotion son conducteur, laissant un goût amer d’inachevé.

Des moteurs pas à la hauteur

Sous le capot, la Delta débute avec un 1.6l diesel de 105 ch et un essence de 1.4l de 120 ch. Le haut de gamme culmine avec l’essence à 2.0l avec 165 ch et un 1.5l de 150 ch avant d’être rejoint dès 2010 par le 1.8l de 200 ch. La gamme bénéficiera aussi de versions GPL. Si les puissances sont au rendez-vous, le poids et le manque de souplesse du châssis ne permettront pas aux motorisations de s’épanouir et d’offrir du coffre à notre italienne.

La Hard Black est peinte d’une teinte mat, d’une finition noire brillante à la place des chromes.

Une Chrysler Delta mi-pizza, mi-hamburger

Profitant de la crise économique de 2009, le groupe Fiat, mené d’une main de fer par Sergio Marchionne, acquiert petit à petit le groupe américain Chrysler. En 2011, le groupe FCA (Fiat Chrysler Automotive) naît, et Chrysler et Lancia sont liées. On annonce une nouvelle gamme conjointe pour les deux marques qui n’arrivera jamais. La Flavia fait son retour, tout comme la Thema et le Voyager qui prend la suite du monospace Phedra. La petite Ypsilon se refait une beauté et s’inspire de sa grande sœur, la Delta. En 2012, la grande compacte profite d’un léger lifting mais c’est une catastrophe. On oublie… non, on efface le peu de prestige de la marque italienne. Oublions la calandre à tiges verticales, typique de la marque depuis les années 1950.

Je découvre avec effroi, comme beaucoup d’autres, l’affreuse calandre à lame horizontale. La Delta va d’ailleurs connaître, à l’instar de l’Ypsilon, un retour aux Royaume-Uni sous le blason Chrysler. Tout le facelift est fait à l’économie car mis à part la grande calandre, rien n’évolue.

En 2014, le mal est fait et la marque stoppe les frais. La pauvre Delta disparaît de l’offre alors que c’était la dernière compacte de la marque. La même année, la Delta emporte avec elle les Flavia et Thema. 151 986 exemplaires trouveront preneurs. Elle n’inquiètera même pas ses concurrentes prestigieuses : Audi A3, BMW série et Mercedes-Benz Classe A.

En 2011, la Delta évolue en douceur avec une nouvelle calandre façon Chrysler.

L’Avis des Cylindres :

La Lancia Delta est abordable, n’ayant pas rencontré le succès durant sa commercialisation. Elle se retrouve sur le marché de la seconde main à des prix abordables. Les versions d’entrée de gamme (Oro) débutent aux alentours de 2 500€ avec plus de 200 000 kilomètres. Comptez 5 000 € pour une belle version avec moins de 100 000 kilomètres. La version de 2012 se situe entre 6 500 et 10 000 € avec un kilométrage compris entre 100 000 et plus de 200 000 kilomètres.

Rien de particulier concernant des problèmes de fiabilité, elle est fiable. La Delta n’est pas dans la veine de son aïeule avec un châssis un poil pataud, mais dont le confort surclasse la concurrence. La Delta est une sorte d’art de vivre à l’italienne, loin du naufrage du mariage avec Chrysler. Le Saint-Graal étant une Executive avec le 1,8 l T-jet de 200 ch ou la version limitée Hard Black et sa configuration b.color teinte noir mat et son toit noir brillant « Nero Lava ».

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